▲ Journey to Freedom (Event)

Les natives parlaient dans leur langue à quelques pas de Clarke. Il apparaissait évident à la jeune archéenne que les deux femmes qui l'accompagnaient maniganceraient tout le long du chemin. Pourtant, elles ne risquaient rien face à Clarke. Cette dernière était seule, désarmée, et peinait tout juste à tenir le coup après sa récente noyade. Elle luttait déjà contre les mots de tête pour ne pas s'écrouler et s'humilier un peu plus. Ces femmes natives-là n'allaient certainement pas s'occuper d'elle en attendant qu'elle aille mieux. Elle attendit longuement que les deux femmes se décident. Elles argumentaient, et sans comprendre exactement ce qu'elles disaient Clarke pouvait deviner qu'elle était un sujet spécial pour elles. Elles connaissaient son statut au sein de son peuple et elle-même aurait bien considéré en attraper une pour la ramener au camp. Mais c'était difficilement envisageable, car encore une fois, elle était seule face à deux guerrières. Deux guerrières fatiguées et mal à en point, mais deux guerrières tout de même qui avaient participé à la lourde bataille entre son peuple et le leur. La bataille qui avait mené à l'enlèvement d'elles trois par la montagne. Une bataille diversion qui avait fait passer les chefs des deux camps pour de beaux abrutis.

Se taper dessus tandis qu'un autre ennemi bien préparé attendait le moment propice pour attaquer. Etait-elle la seule à voir qu'une alliance était la meilleure stratégie actuellement ? S'ils continuaient de se battre à l'extérieur tandis qu'une armée se dressait contre eux à l'intérieur d'un bunker, ils sonneraient leur fin. Allons-y. Les mots réveillèrent Clarke de sa rêverie troublée. La native dont le nom était encore inconnu de Clarke semblait être un peu plus de son côté qu'Anya. Elle laissa les deux natives avancer jusqu'à passer devant elle et marcha un instant à côté de cette femme blonde qui n'avait pas encore montré de comportement barbare depuis sa libération du Mont.
- Tu connais mon nom, s'adressa-t-elle calmement à elle, si nous devons avancer ensemble un moment il me serait utile de connaître le tien.
Elle se tut et se concentra sur le chemin qui se traçait devant elle. Loin d'elle l'idée de trébucher sur une pierre ou une branche mal placée. Pour le moment, la seule chose à faire était d'avancer prudemment, et lorsqu'elles se seraient toutes plus ou moins remises du courroux montagnard, elles pourraient accélérer le pas et envisager la suite. Clarke avait au moins une cheffe native sous la main et elle ne comptait pas la laisser filer sans avoir entamé une nouvelle négociation.

Ankara. Voilà donc son nom. Ce nom ne disait rien à Clarke, mais elle avait l'impression de devoir le connaître. Il semblait important, il semblait lié.Elle n'allait pas l'oublier, tout comme celui d'Anya. Elle n'allait pas oublier ces noms qui lui seraient utiles lorsqu'elle aurait de nouveau à faire avec les natifs. Le statut d'Anya rendait cette évasion d'autant plus importante. Si Clarke était aussi curieuse de connaître le statut d'Ankara, elle ne le demanda pas. Elle ne demanda rien d'autre pendant des heures, car ni Anya ni Ankara ne semblait vouloir discuter. Clarke marcha plus près d'Ankara que d'Anya, car elle sentait encore l'hostilité de cette dernière émaner du corps de la guerrière. Elle ne voulait pas l'énerver et provoquer un combat. Elles étaient toutes les trois épuisées et voulaient toutes rentrer auprès des leurs au plus vite. Mais il y avait d'abord une chose à régler, et après une petite conversation entre les deux natives dans la langue que Clarke peinait à comprendre, elle décida de reprendre la parole.

- J'aimerais parler à votre commandante, déclara-t-elle, ce que nous avons vu à l'intérieur du Mont est capital, et je saurai expliquer ce qu'ils font des prisonniers.
La salle des cages, les hommes accrochés pieds en l'air, les prises de sang... Clarke avait cru apercevoir des choses peu communes à l'infirmerie, et maintenant qu'elle y pensait, elle avait pu apercevoir une marque sur la poitrine de Joshua, une marque que tous les montagnards semblaient avoir. Si elle n'y avait pas fait attention alors, ayant d'autres idées en tête, elle revoyait la scène comme un flash aveuglant irritant ses paupières.
- Vous avez l'effectif, nous avons leur science, nous pouvons les vaincre, mais seulement ensemble. Les vôtres et les miens sont encore coincés à l'intérieur de cette montagne, ce n'est qu'une question de temps avant que la situation s'aggrave pour eux.
Elle en disait peut-être trop, ou pas assez, difficile à dire quand on s'adressait à quelqu'un comme Anya dont le visage montrait une menace de mort constante. Clarke jaugea les alentours. Elles avaient marché sans vraiment savoir où elles allaient, il serait temps de reprendre le bon chemin. Clarke chercha un indice du nouveau camp. Elle avait un vague souvenir de la direction qu'ils ont pris lors de la bataille, mais son état ne lui avait pas permis de prêter suffisamment d'attention au chemin. Elle allait devoir faire à l'intuition. La présence du Mont au loin lui indiquait au moins qu'elle n'était pas totalement dans la bonne direction. Encore quelques heures de marche.
- Je propose que nous retournions auprès des nôtres. Nos camps n'étant clairement pas au même endroit, il est temps de nous séparer.
Et là, son coeur cogna un coup, fort, contre la paroi d'os qui faisait tenir son corps debout. Soit les deux natives acceptaient et chacune rentrait chez elle, soit elles refusaient et Clarke était prisonnière à nouveau. Dans tous les cas, Clarke rencontrerait leur cheffe. Ou plutôt, la reverrait.
- Vous pouvez dire à votre commandante que je suis prête à venir la voir chez vous, à votre camp, si cela peut vous rassurer sur mes intentions. Mais j'aimerais en retour avoir la certitude que vous allez aussi faire cet effort d'organiser la rencontre.
Elle savait qu'elle en demandait trop, mais l'épuisement la rendait impatiente. Elle voulait une solution rapide, concrète, sûre, pour pouvoir aller se reposer en sécurité et revenir prête à affronter les prochaines batailles. Ils avaient déjà perdu assez de temps comme ça.

Anya semblait sceptique. Elle disait savoir ce qui se passait au Mont pour les prisonniers, le Sergent leur aurait expliqué, mais Clarke avait un mauvais pressentiment. Il y avait plus derrière tout ça, plus d'expérience, plus de cobayes, et si le sang des natifs ne suffisait pas, ils iraient plus loin. Avec les délinquants. Dante Wallace le lui avait dit, son rêve était de sortir, et il se contentait de sa peinture pour s'évader, mais l'hostilité de certains montagnards avait prouvé à Clarke que tous ne se contentaient pas d'images de paysages accrochés aux murs. Le soldat Barkin le lui avait signalé, lui aussi. Le Mont cachait bien des secrets qui semblaient même échapper aux soldats. Aux bons soldats, sûrement... ceux qui n'étaient pas assez cruels pour supporter ces secrets.
- Il y a bien plus au Mont que Remington le pensait... dit-elle calmement, l'image du sergent s'effondrant au sol encore dans son esprit.
Pour preuve, il était mort...
La voix d'Ankara résonna et Clarke se reconcentra sur la situation présente. Anya avait offert un marché. Ankara allait suivre Clarke à son camp pendant qu'Anya allait prévenir sa commandante.

Cela semblait honnête. Clarke se sentait même plus rassurée à l'idée de faire le reste du chemin avec Ankara plutôt qu'avec Anya. Celle qui venait d'annoncer son statut de cheffe de guerre semblait plus calme, plus réfléchie. Moins effrayante. Plus pacifique. Ironique pour une cheffe de guerre, mais au moins Clarke allait rentrer au camp en vie. Et avec un moyen de négociation. Elle n'avait aucune idée de ce qui s'était passé pendant ses jours d'absence. Sa mère et Kane avaient-ils réussi à rencontrer la cheffe native ou la guerre avait-elle perduré en la forme d'une autre bataille sanglante ? Clarke avait cette boule au creux de son ventre qui lui rappelait constamment que tout avait pu mal tourner pendant son séjour au Mont. C'est pour cette raison qu'elle avait voulu quitter le Mont aussi rapidement, pour rentrer et s'assurer que tout allait bien, pour prévenir tout le monde que c'était le Mont Weather et non les natifs qui les avait enlevé elle et ses amis.

Le temps perdu ne serait jamais rattrapé. Chaque seconde cliquait sur les tympans de la jeune femme. Elle se contenta d'acquiescer pour répondre à la proposition des deux femmes autour d'elle. Elle regarda le ciel, la silhouette du Mont derrière elle, et réfléchit à la direction à prendre selon ses vagues souvenirs. Quand elle eut envisagé un chemin approximatif, elle fit un pas en avant pour s'élancer, mais une phrase lui vint à l'esprit, des murmures, une voix masculine, et ses mots ressortirent en direction d'Anya.
- Puissions-nous nous revoir.
Ces mots tant dit chez elle, ces mots que son père lui avait déjà dit par le passé, ces mots qui avaient le don d'apaiser comme de faire souffrir. Mais pas aujourd'hui, pas dans cette situation. Malgré la mort du Sergent, malgré le terrible danger que représentait le Mont, cette journée était synonyme d'espoir. Un espoir d'alliance. Un espoir de paix entre le peuple du ciel et les natifs.
C'est cet espoir qui poussa Clarke à reprendre sa marche.