Belle Native Beau Skaikru-Yara

Les balles sifflaient, explosaient contre, dans la chair. Un homme s’écroula, suivi rapidement par un deuxième. Sur la place les corps sans vie s’empilèrent. Dix-sept. Des enfants, des innocents. Artyom fit un pas vers une petite fille, perdue et en pleurs. Peut être avait elle vraiment existé, il n’en saurait sûrement jamais rien. Il aurait aimé l’aider, il ne savait comment mais il devait faire quelque chose, elle ne pouvait rester seule au milieu du danger. Elle le vit faire un pas de plus et prit la fuite, terrifiée. Un vieil homme surgit d’une maison et pointa Artyom d’un doigt accusateur.

« Comment tu as pu faire une chose pareille ?! »

Le jeune homme sentit le poids d’une arme dans ses mains. Un fusil. La main le tenant recouverte de sang. Il essaya de lâcher l’arme, ses doigts refusaient de lui obéir. Les cadavres le fixaient de leurs yeux vides, leurs visages crispées par la douleur et la surprise. Artyom recula. Il n’avait rien fait !

« Non je…ce n’est pas… »

Artyom ouvrit les yeux et fixa un moment le plafond, l’esprit embrouillé, la sensation d’une arme dans sa main encore présente. Il n’était pas présent au massacre, il avait appris son existence il y a quelques heures, mais il ne cessait d’imaginer la scène, elle tournait en boucle dans son esprit, l’idée que son peuple ait pu tuer autant d’innocents le révulsait. Le jeune homme se releva et sortit dehors. Il marcha un peu dans l’enceinte, déserte à cette heure de la nuit, espérant que l’air frais l’aide à penser à autre chose. Son regard fut attiré par une forme imposante dans le lointain. Un corbeau. Beaucoup plus grand que la moyenne. Yara. Elle était donc dans les parages. Un sourire fleurit sur ses lèvres. Il devait lui parler.

Un morceau de grillage manquait, se glisser dehors était un jeu d’enfant. Personne ne remarquerait son absence avant le lendemain matin, cela lui laissait quelques heures tranquille. Artyom chercha le corbeau des yeux et se dépêcha de rejoindre la position de l’oiseau. Tout était silencieux.

"Yara ! Si tu m’entends sache qu’un beau skaikru cherche une belle Native. Ce n’est pas urgent mais il aimerait bien lui parler, prendre de ses nouvelles tout ca. Il s’excuse aussi de ne pas être venu plus tôt"

Yara. Artyom l’avait appelé en blaguant un peu. Mais en vérité il n’avait pas envie de faire de l’humour, pas cette nuit, il sentait l’envie de sourire, de rire, d’essayer de détendre une atmosphère qui se révèlerait sûrement pesante ou morose, le quitter progressivement. Il avait juste envie de revoir la jeune femme, de se confier à elle, qu’elle se confie à lui. Elle souffrait, c’était certain. Comment pourrait il en être autrement ? Dix-sept innocents de son peuple assassinés ce devait être un sacré choc, un sacré coup à endurer. Artyom désirait être là pour Yara, qu’elle ait quelqu’un à qui parler, une épaule sur qui pleurer peut être. Il ne la connaissait pas beaucoup, quasiment pas en fait, mais il sentait qu’elle avait un côté un peu fragile et sensible, cela se sentait même si elle essayait de le dissimuler.
Des bruits de pas, d’une course retentirent. Artyom se retourna et regarda Yara débouler. Il voyait les yeux de la jeune femme brillaient, et son cœur se serra. S’il n’aimait déjà pas voir les gens pleurer, que ce soit Yara c’était encore pire. Il voulait la prendre dans ses bras, la serrer fort, lui faire oublier cette journée horrible, mais il sentait qu’elle lui mettrait un coup de poignard ou un truc dans le genre. Ses questions le blessèrent. L’air d’animal apeuré de Yara encore plus. Comment pouvait elle imaginer qu’il lui ferait du mal ? Il culpabilisait après avoir écrasé une mouche, alors faire du mal à Yara…il ne s’en relèverait pas. Quant aux armes… il risquait plus de se blesser lui que la personne visée.

Artyom ne savait quoi répondre à Yara et resta quelques secondes silencieux à la regarder, l’air mi peiné mi triste. Puis une idée lui vint, c’était peut être stupide, mais là tout de suite il ne voyait pas vraiment d’autres manières de prouver sa bonne foi à Yara, qu’il n’oserait jamais lever la main sur elle, qu’elle pourrait toujours compter sur lui. Alors il fit un pas hésitant dans sa direction avant de prendre son courage à deux mains et se rapprocher. Artyom se pencha et déposa un rapide baiser sur les lèvres de Yara. Un baiser bref et peut être un peu maladroit mais qui se voulait le plus réconfortant et doux possible.

"Je ne te ferais jamais aucun mal d’accord ? Jamais. On ne s’est vu qu’une fois, je ne te connais pas beaucoup, presque pas, mais tu comptes déjà beaucoup à mes yeux. Et non tu n’as pas besoin de me craindre, de toute manière je suis sûr que tu pourrais me mettre à terre avec une seule main."

Yara rougissait, se transformait en une petite loupiote rouge trop mignonne. Etait-ce bon signe ? Après tout cela pouvait signifier plein de choses, de la colère, de la surprise, de la gêne… Immobile, elle ne bougeait pas même le petit doigt. C’en serait presque effrayant. Elle leva les yeux et Artyom faillit perdre le fil de sa phrase. Mais il se reprit rapidement. Normalement elle ne devrait pas le frapper. Normalement. La dernière fois tout se passait bien, il y avait un certain feeling, ils frôlaient l’amitié du bout des doigts. Il y avait aussi eu ce moment un peu gênant, celui après leur réveil, quand ils s’étaient fixés, yeux dans les yeux, un bref moment. Même avec le recul, Artyom ne comprenait toujours pas vraiment ce qu’il s’était réellement passé. Si c’était juste un échange de regards un peu bizarre, ou s’il y avait une signification cachée, quelque chose qui voulait s’exprimer mais n’en avait pas eu le temps, l’occasion. Il n’y avait pas pensé, mais peut être que les Natifs avaient des coutumes différentes, peut être que Yara avait déjà quelqu’un. Tant pis, ce qui était fait était fait.

Yara s’approcha. Heureusement ce ne fut pas pour le planter. Artyom sourit et la serra doucement contre lui, écoutant attentivement ce qu’elle lui disait. Son bras autour de la taille de la jeune femme, son autre main posée sur le bras droit de Yara, le pouce entamant naturellement un lent mouvement circulaire. Peut être qu’un jour elle lui apprendrait à mettre des gens à terre. Mais déjà elle devrait finir de lui apprendre à nager. A la base ils devaient se revoir pour ça. Même si au fond c’était juste un prétexte.
Artyom se répéta plusieurs fois les mots de Yara dans sa tête. Il comptait beaucoup pour elle. Cela lui paraissait, à la fois improbable, et à la fois incroyable. Et il avait vraiment envie de la connaitre, d’en savoir plus sur elle et son peuple.

"Tu n’en sais rien. Comment peux-tu le savoir à ma place ? Mais t’as pas fait du mal à un chien ou à un chat quand même ? Car là oui on risque de ne pas bien s’entendre."

Dans les livres de l’Arche ces animaux avaient l’air trop choupinou. Il ne faut pas faire de mal à ce qui est choupinou. Jamais.

"Au fait y a une rivière pas loin ? Comme ça tu pourrais finir de m’apprendre à nager. Ca te remonterait le moral ? Que t’ailles pas bien c’est pas chouette."

Ce n’était sûrement pas un bisou qui allait lui faire oublier le massacre, lui redonner entièrement le sourire.