(Marysa) • We need your help.

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"C'est Ankara" ... "Des coups de feu entre les deux yeux des faucheurs" ... "Elle vit ?" ... "Emmenons là à Nyko au plus vite !" Des sons, des bribes de conversations. C'est tout ce que mon cerveau assimile. Je n'arrive pas à bouger comme si j'étais immobilisée sur une croix de torture. Petit à petit, je parviens à remuer les lèvres. « Maunon... » "Homme de la montagne..." Quelques fois, je ressentais une douleur énorme dut aux soins du guérisseur Trikru. Une balle dans le mollet, une autre dans la cuisse que j'avais retiré moi-même lorsque j'étais consciente et chassée par ce faux prédateur. "Je ne peux pas" ... "Clan Yujleda au plus vite" Combien de temps est passé depuis que l'on m'a retrouvé dans un état pitoyable ? Je ne saurais le dire. Des natifs du clan Trikru ainsi que de mon propre clan, Louweda Kliron me transportaient. Les rares fois où je pouvais ouvrir les yeux, je ne voyais que le ciel. Une pellicule de sueur faisait briller mon front alors que la douleur de mes jambes commençait à se réveiller. J'étais installée sur une espèce de charrette que Nyrne, ma jument, tirait. Après ce qui me semble être une éternité nous nous arrêtons. "Heya, nous avons besoin de l'aide de votre clan. Une des cheffe de guerre de Polis a été attaquée par un Maunon. Notre guérisseur n'a rien pu faire." Rien qu'en entendant le mot "Maunon", j'avais envie de hurler. J'ouvrais les yeux l'espace d'une seconde. Des arbres au feuillage bien différent du Trikru.

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Marysa attrapa une baie qu'elle glissa entre ses lèvres avant de manquer de la recracher lorsque sa porte s'ouvrit avec précipitation. Un guerrier rattaché à sa garde venait d'entrer sans attendre de savoir s'il le pouvait. Ce n'était pas quelque chose de courant et la femme fronça les sourcils avant de l'écouter déblatérer à toute vitesse.
Trikru, Liwouda Kliron, Maunon... l'homme parlait bien trop vite pour que Marysa puisse tout comprendre. Elle se tourna vers son frère qui était avec elle et ils hochèrent la tête.
« Shaun oso, 1 » ordona Marysa.
L'homme les guida jusqu'à l'entrée de la ville, sous le toit d'un des postes de garde. Un guérisseur s’attelait déjà au-dessus du corps meurtri d'une jeune femme. Winn se dirigea vers son collègue et proposa son assistance. Pour sa part Marysa se dirigea vers le chef du petit groupe qui semblait avoir amené la blessée. Il lui expliqua la situation plus clairement que le garde essoufflé plus tôt et elle hocha la tête.

Les blessures stabilisées temporairement, ils la déplacèrent entre les murs de la ville pour l'amener dans un endroit où ils pourraient s'occuper d'elle plus facilement.
Marysa avait eu le temps d'entrapercevoir ses blessures : c'était comme si des flèches l'avaient traversée. Il s'agissait de blessures singulières, et fort heureusement, son clan savait très bien gérer les blessures de ce type, même si le cas présent serait plus délicat. Les trous restaient moins gros qu'habituellement.
Du reste, elle semblait avoir été battue avec violence, du peu qu'elle avait pu voir lorsque son frère avait soulevé les habits pour essayer de voir les dégâts. Elle devait probablement avoir des côtes fêlées – si ce n'était cassé – et il faudrait suturer les plaies les plus importantes. Mais ce n'était vraiment pas le plus grave.

Ils entrèrent dans un bâtiment, une ancienne ruine reconvertie en hôpital, et ils trouvèrent une place pour Ankara. Elle écouta de loin ce que disait son frère, il parlait de la chance qu'elle avait eu que ça ne touche pas de grosse ligne sanguine vu là où la balle l'avait touché à la cuisse. Autrement elle serait morte en quelques secondes.
Non, elle remarquait que la fille était encore éveillée.
Marysa regarda les guérisseurs, ils commençaient à s’affairer de nouveau et vu ce qu'elle allait subir, il valait mieux lui occuper l'esprit. Avoir quelqu'un tripatouiller l'intérieur de sa chair pour retirer les éléments intrusifs n'était jamais agréable.
« Yu laik Ankara, ait ? 2 » Marysa se saisit d'une coupe d'eau et demanda une poudre d'apaisement à l'un des soigneurs. On lui apporta rapidement et elle versa la poudre dans l'eau pour mélanger le tout, laissant Ankara lui répondre si elle trouvait les forces. Après quoi elle approcha le breuvage du son visage et souleva sa tête d'une main à l'arrière de son crâne. « Drein daun. 3 » Son ton était de ceux impératif sans être menaçant, qui donnait envie de faire confiance.
Elle la laissa boire et regarda le garrot formé par son frère autour de la cuisse de la guerrière.
« Tel op ai,  chit don kom au ? 4 »
Elle ne s'attendait pas à une réponse claire, mais au moins elle pourrait parler au lieu de se concentrer sur la souffrance à venir.

____

1 – Montre-nous.
2 – Tu es Ankara, c'est ça ?
3 – Bois.
4 – Dis-moi, que s'est-il passé ?

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Je cligne plusieurs fois les paupières. Un son rauque s'échappe d'entre mes lèvres lorsque mon corps est transporté. Petit à petit, les douleurs se réveillent et moi aussi. Cette voix, je ne cesse de l'entendre dans ma tête. "RUN RABBIT RUN !" Un écho qui me fait frissonner de colère et de frustration jusqu'aux os. Mes sens deviennent presque secondaire face à cela. Je l'entends, je pourrai jurer qu'il se moque de moi. Délire d'une fièvre ou hantée par un traumatisme ? Je n'en sais rien. Je tourne la tête légèrement et mon regard se perd dans le village du clan Yujleda. J'ai l'impression de voir ce maunon se tenir droit dans sa combinaison. Ses yeux moqueurs me regardant derrière son masque. Il est là et il me fixe, son arme maudite entre les mains. Je tend douloureusement la main vers cette silhouette qui me hante. Derrière lui se tient ces anciens natifs. Une larme coule le long de ma joue. Une larme de colère intérieure. Un murmure sort dans un soupire. « Fraga... » (Assassin...). Le paysage extérieur disparaît alors que l'on me rentre dans une bâtisse aménagée. Je suis posée sur quelque chose de moue et agréable.

Une voix féminine que je qualifierais de réconfortante me demande si je suis bien Ankara. « Sha... Weron ai laik ? » (Oui... Où suis-je ?) J'aimerais être quelqu'un d'autre aujourd'hui. J'ai échoué dans ma défense contre un homme de la montagne. Je n'en tire aucune fierté. Uniquement de la déception vis à vis de moi et de la rage envers ce monstre. Je ne suis pas certaine d'où je me trouve. J'ai entendu Yujleda souvent en peu de temps, mais suis-je vraiment ici ? Ma vue se lisse et le visage d'une jeune femme m'apparait. De longs cheveux bruns, des yeux reflétant un fort tempérament. Je ne suis pas certaine de l'avoir vu auparavant. Ou peut-être à Polis ? Ma mémoire semble être brouillée par ces douleurs cuisantes. Sa main se fraye un chemin dans ma chevelure dorée. Elle me demande de boire quelque chose. Je ne suis pas du tout en mesure de discuter, de plus ma gorge est sèche. Je bois alors le contenu du récipient. Les premières gorgées semblent me brûler les lèvres puis cet effet disparaît. Quelque chose entoure ma cuisse et la serre. Je sursaute un peu mais me concentre sur les paroles de la jeune femme. « Tu maunon jomp ai op en ripa rak oso op. » (Deux hommes de la montagne et les faucheurs qu'ils contrôlent m'ont attaqués .) Je serre les dents.

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Elle pensait répondre à sa question une fois qu'elle aurait obtenu une réponse aux siennes, même si comme déjà dit, elle ne pensait pas avoir plus que quelques détails grossièrement taillés par une voix où la douleur et la fatigue transparaissaient. Et elle avait raison.
Toutefois, dans une courte phrase se trouvait plus d'information que nécessaire.
La brune fronça les sourcils à la déclaration d'Ankara. Associait-elle les Maunon avec les Faucheurs simplement parce qu'elle délirait à cause de la fièvre causée par ses blessures ou disait-elle la vérité ? Car si c'était le cas, si les Faucheurs étaient liés aux hommes de la montagne, c'était une information à transmettre immédiatement à tous les autres clans alentours, et surtout au trikru.
Toutefois il ne fallait pas se précipiter pour le moment.

« Ai sen in. 1 »
Marysa eut un regard vers ce que son frère faisait et elle posa une main doucement dans les cheveux de Ankara pour glisser à voix basse « Em's na laksen. 2 »
Elle prit sa main, non sans lui signaler avant pour qu'elle ne sursaute pas comme lorsque le garrot lui a été fait, pour qu'elle puisse serrer quelque chose et canaliser sa douleur dans quelque chose car dans quelques instant son frère allait retirer  la balle restante.
Elle attendit que le moment passe et observa Ankara, s'assurant qu'elle était toujours consciente. Il serait sans doute mieux qu'elle ne le sois pas, mais l'avoir éveillée permettait de connaître son état.
Une fois la balle retirée Marysa reprit les distractions maintenant que le pire était passé.

« Oso laik raun RC Mond, gon Yujleda.  Ai laik Marysa kom Yujleda, mana gon ai kru.3 » Elle regarda son frère recoudre la blessure de la balle. Les fils de suture de son clan était parmi les meilleurs grâce aux fibres solides fournies par les plantes. « Yu teik daun laudnes-de, osir na smak yu au,4 » proposa-t-elle, plus dans le sens où ils pouvaient faire en sorte qu'elle perde connaissance, bien sûr. De cette façon elle n'aurait pas à subir les sutures.
Aussi de cette façon elle pourrait envoyer un message au clan d'Ankara pour les avertir de sa présence ici.


____

1 – Je vois.
2 – Ca va faire mal.
3 – Nous sommes proches de RC Mond, en Yujleda. Je suis Marysa de Yujleda, cheffe de mon clan.
4 – Le pire est passé, on peut t'assommer.

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Ce maunon m'a laissé pour morte, peut-être pensait-il que j'allais finir par mourir réellement ? Il est clair que c'est ce qui aurait du se passer. J'ai eu une chance insolente que des gens me trouvent dans ce lieu. J'ai eu la chance que d'autres faucheurs ne soient pas arrivés avant. Ou pire... Le brouillard acide, pauna ou d'autres animaux prédateurs. Cet être lâche et cruel a fait la plus grande erreur de sa vie. Car il avait dévoilé le contrôle que Maungeda avait sur les faucheurs et donc probablement sur leurs transformations. Mais son erreur la plus grave avait été de me laisser en vie. Parce que cela devenait personnel. Si j'arrivais à survivre grâce au clan Yujleda, je retrouverais ce maunon guidée par sa voix. Et nombreuses seraient les tortures que je lui infligerai. Jus drein jus daun. Le sang appelle le sang. Je relève le regard vers la jeune femme. Elle m'annonçait que j'allais avoir mal. Sa main se glisse dans la mienne et je ne tarde pas à la serrée, crispant la mâchoire, serrant les dents. Je ne hurlais pas, cependant, je poussais des grognements et des couinements tandis que je ressens que l'on fouille dans ma jambe. Je me souviendrais de cette douleur face au maunon. La vengeance est pour le moment, la seule chose qui me force à rester éveillée. A rester forte. Elle me consume et me dévore de l'intérieur. Lorsque la douleur se calme, je peux enfin respirer et relâcher ma prise sur la main de la Yujleda. Les larmes coulent, mais je peux respirer.

Je relève mon regard vers celui de la femme. Je suis bien au clan Yujleda et cette personne est Marysa. La cheffe de son clan. J'aurais aimé faire sa connaissance dans une autre circonstance. Pas comme une faiblarde amenée pour avoir faillie à sa tâche. Mais je savais que je ne pouvais pas être forte tout le temps. Je ne suis pas invincible. Je suis bien consciente que pour le moment, cela n'a aucune importance. Je me trouve donc non loin de RC Mond. En l'occurrence, je me trouvais surtout dans le brouillard en ce moment. « Mochof... » (Merci...) Un seul mot mais un mot qui veut tout dire. J'aurai aimé dire que non. Je ne voulais pas dormir mais affronter cette douleur. Faire face à ce qui n'aurait jamais dut arriver. Cependant, c'est mon corps qui réclamait le sommeil. Il avait lutter si fort pour continuer de faire battre mon cœur qu'il réclamait au moins cette récompense. Et ce fut comme s'il avait lui-même compris les paroles de Marysa parce qu'il commençait à m'emmener dans un état d'inconscience. Je répétais encore une fois en un murmure, les yeux se fermant lourdement : « Mochof... »

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Les remerciements de la jeune femme furent accueillis par un hochement de tête de la part de Marysa. Il n’y avait pas vraiment de quoi la remercier, les Yujleda se disaient les meilleurs guérisseurs, il était normal qu’ils fassent profiter de leurs dons à ceux qui se trouvaient à leur portée. 
Finalement la jeune femme se laissa emporter par l’épuisement et sombra dans l’inconscience.
Marysa l’observa un instant et retira sa main de la sienne alors qu’elle se reculait d’un ou deux pas. Elle allait laisser travailler les guérisseurs : ils avaient de nombreuses plaies à soigner et elle préférait ne pas se mettre sur leur chemin pour ça.

Une fois éloignée elle discuta un peu avec la troupe qui l’avait amenée jusqu’ici. Ils lui précisèrent où ils l’avaient trouvé et Marysa hocha la tête. Il s’agissait bien d’une zone susceptible d’abriter des hommes des montagnes, un lieu où il était dangereux de s’aventurer. A se demander pourquoi la jeune femme se trouvait là en premier lieu.
Enfin, ce n’était pas ses affaires, surtout que la blessée leur avait révélé des informations bien plus inquiétantes et surtout intéressantes.

Durant le temps qu’Ankara passa inconsciente Marysa envoya un messager en direction du peuple de la blessée. Elle pesa les pour et les contres quant à en envoyer un dans la direction de Lexa au sujet de ce qu’elle avait appris sur les faucheurs. Elle n’était toujours pas certaine qu’il ne s’agisse pas d’un délire. D’un autre côté…
Elle devait en avoir le cœur net.
Dès qu’elle serait réveillée elle irait la voir.

Cela prit un peu de temps malheureusement, mais dès lors qu’on apporta l’information du réveil d’Ankara à Marysa celle-ci prit la direction du bâtiment où se trouvaient les blessés. Trouver son chemin ne fut pas très difficile puisque la blonde n’avait pas été bougée de place. Elle prit à manger avec elle et attrapa un tabouret laissé à l’abandon à côté d’un lit vide avant de venir s’installer aux côtés d’Ankara.
« Contente de voir que tu t’es réveillée, » dit-elle en trigedasleng, mais la narratrice n’a pas la foi de traduire. « On m’a dit que tu te remettais plutôt bien et que tu serais sur pieds d’ici un ou deux jours, même si tu ne pourras pas tout de suite te battre. »
Il était probable que ce soit une des premières choses qu’Ankara veuille savoir. Bien sûr ça posait un autre problème : elle ne pourrait pas immédiatement voyagé, ou en tout cas il faudrait qu’elle fasse attention.
Dans tous les cas Marysa posa le pain accompagné de baies noires-bleutés et de fromage à côté de la jeune femme.
« Tu as besoin de te nourrir. » Marysa aurait pu se proposer pour l’aider à se sustenter, mais étrangement la cheffe doutait que son invité soit prête à abandonner sa dignité. « Comme ça tu pourras plus facilement me parler de ce qu’il s’est passé. Tu as dit quelque chose de troublant, je ne sais pas si tu t’en souviens… » avança-t-elle presque comme une interrogation.

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Dans cette inconscience, mon corps se repose en appréciant les soins apportés aux diverses blessures qui l'ornait. Le cerveau en pause, je ne rêve pas. A peine j'ai fermé les yeux que j'ai l'impression de les rouvrir. Pourtant un long moment est passé depuis que je suis arrivée ici. Je cligne plusieurs fois des paupières pour lisser ma vue. La chose que je vois, c'est un plafond portant les fissures du passé mais assez solide pour encore bien des années. Une brise me caresse le visage, je suis installée dans un lit confortable. Un guérisseur vient me voir et me pose quelques questions. Comment je me sens. J'ai l'impression d'avoir été piétiné par un troupeau de pauna. Je répond simplement que je me sens mieux que lorsque je suis arrivée. Je me souviens de quelques ressentis ou visions de mon arrivée. Mais cette douleur cuisante domine les autres. Je me souviens aussi de la rage et de la honte. Je bouge légèrement ce qui me fait siffler face aux courbatures, coupures, plaies et aux contusions.

Je lève doucement ma main pour la posée contre mon front. Je referme les yeux un moment en soupirant. Plus jamais je ne retournerai à cet endroit pour me laver. Pourtant je n'y ai jamais été embêtée, bien au contraire. Si je dois y retourner, ce sera armée jusqu'aux dents et accompagnée. De plus ce lieu est appréciable car cette eau descend de la montagne. C'est une eau pure. J'entends des bruits de pas et la silhouette de Marysa m'apparait. Elle s'assied près du lit et je me redresse un peu, sans utiliser les muscles de mes jambes en grimaçant un peu avant de passer ma main dans ma crinière blonde. « Je ne me serais pas réveillée sans l'aide de ton clan et celle des gona qui m'ont amenée. » Je leurs devait la vie. Un mince sourire étire mes lèvres. Je hoche la tête, j'étais vivante et cela relevait d'un miracle. Je pose mes mains contre mon ventre. Il me faudrait du temps pour que toutes ces blessures soient définitivement guéries. « Mochof... » Je la remercie pour la nourriture qu'elle m'a apportée bien que je doute pouvoir manger énormément à cause de cette boule d'angoisse et de rancune à l'estomac. Je bouge alors mon bras gauche et prend une baie entre mes doigts. Ce qu'il s'est passé... Je fixe un moment la baie avec un air pensif. J'ai du mal à me rappeler ce que je lui ai dit en particulier. Je porte la baie entre mes lèvres, mâche puis avale. « Je me lavais dans la rivière qui descend la montagne. Je me souviens d'une fumée qui a envahit la zone. Je suis sortie de l'eau en prenant ma fourrure mais je n'ai pas eu le temps de prendre ma dague. Il y a eut des coups de feux. » J'essaie de me souvenir de chaque détails. Je me pince les lèvres un moment puis continue. « Le maunon m'a pourchassé un long moment en me tirant dessus. Je l'ai mené vers la zone piégée du clan Trikru... J'ai faillie lui briser son masque mais... J'ai hésité. » Des passages m'échappent. Je fronce un peu les sourcils puis ferme les yeux pour me souvenir. « Les faucheurs sont arrivés. Oui, je me souviens ! Des faucheurs et le maunon a utilisé un objet faisant un son aiguë. » La scène me revient en mémoire. J'ouvre les yeux. « Les faucheurs se sont calmés puis le maunon a parlé d'une "dose" en échange d'un "devoir". Les faucheurs se sont mis à me frapper puis il les a tué d'une balle entre les yeux. » Je lève mon regard vers Marysa. « Les faucheurs sont contrôlés par les maunons. Comment, je l'ignore. Mais je l'ai vu de mes propres yeux. »

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Il était certain que dans son malheur Ankara avait eu une chance folle. Si personne ne l’avait trouvée, si personne ne l’avait portée jusqu’ici, elle serait certainement morte et son cadavre pourrirait au fin fond de la forêt sans que personne ne sache vraiment ce qui lui était arrivé.
Mais fort heureusement, ce n’était pas le cas.
Marysa lui laissa prendre son temps. Elle n’était pas pressée pour le moment, pas après avoir déjà attendu douze heures. Et puis ce qui lui été arrivé avait dû être traumatique, peu importe qu’elle ait l’habitude de la violence ou non.

Elle la laissa s’exprimer librement, sans lui couper la parole, lui offrant son entière attention. Elle fronça les sourcils à différents points du discours toutefois. Elle ramena ses cheveux en arrière dans un geste pensif, démêlant quelques nœuds aux passage.
Elle réitéra que les maunon étaient bien liés aux faucheurs et la femme hocha doucement la tête. La question était de savoir comment ? Comment et pourquoi.

« Ca ne prend qu’un coup pour que l’enfant craigne toujours la main, » souffla-t-elle doucement. C’était un proverbe Yujledien visant à avertir que la violence d’un parent était toujours néfaste, même si ce n’était qu’une fois, et que la crainte instillée pouvait rendre l’enfant plus fragile et non le rendre plus fort.
Peut-être les maunon usaient-ils de violence pour contrôler les faucheurs ? Mais alors pourquoi cette histoire de dose et de devoir ? Peut-être que le bruit était un avertissement avant l’usage de la violence. Difficile à dire.
Elle revint à elle après avoir été emportée dans sa réflexion un instant.
« Nous allons devoir en informer Heda. Il faut que le Trikru sache que les faucheurs ne sont pas simplement les nôtres devenus fous mais que les maunon la main mise sur eux.  Peut-être que c’est ce qu’ils font de ceux qu’ils prennent. »
Sauf que d’après ce dont elle avait entendu parlé, les maunon avaient pris bien plus des habitants de la forêt que ça. Alors que faisaient-ils des autres ? Si avec les faucheurs ils en faisaient des cannibales, elle préférait ne pas imaginer.

Maintenant que le plus important été dit, il y avait une dernière chose que Marysa voulait évoquer du discours de la jeune femme. Lorsqu’elle avait parlé de son hésitation, la cheffe n’avait pas pu s’empêcher de noter quelque chose dans son hésitation, dans son aveux de ne pas avoir pu briser son masque.
« Aussi, chaque vie est précieuse. Ton hésitation a peut-être été la bonne au final car tu aurais pu avoir à affronter une horde de faucheurs si tu l’avais éliminé. »
Evidemment, elle ne lui dirait pas que pour sa part elle l’aurait fait. Ces hommes sont dangereux et brutaux d’après ce qu’elle en a entendu dire, et en abattre un aurait certainement fait le plus grand bien à ce monde. Mais elle pouvait voir pourquoi Ankara pouvait avoir hésité, pourquoi sur l’instant elle ne l’aurait pas fait, alors il n’y avait pas de raison de la culpabiliser.
A chacun ses réactions et son mode de fonctionnement. Tuer n’était pas toujours la réponse, surtout si on tenait l’adversaire à sa merci.

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Je porte une autre baie à mes lèvres, tout en méditant les paroles de la cheffe Yujleda. Ce proverbe voulait dire beaucoup. Comment les maunons pouvaient faire souffrir les nôtres ? Avec quels procédés ? J'ai toujours su que ces personnes étaient à craindre. Mais pourquoi ? A part leurs armes à feu, que pouvait-ils avoir de plus ? Pourquoi les nôtres se retournaient contre nous ? Pourquoi avaient ils une apparence digne des bannis de la Zone Morte ? Se souvenaient-ils au moins de nous ? Dans toute leurs violences, y avait-il une place pour les souvenirs ? Je faisais de mon mieux pour me souvenir mais le reste de la phrase restait silencieuse sur les lèvres du Maunon. Pourquoi les faucheurs avaient-ils peurs d'un son ? Comment ? Je ne comprenais pas et cela était frustrant. Pour la première fois depuis l'arrivée du skaikru, je me demandais si eux pouvaient nous apporter des réponses ? Mais nous étions en guerre. Ils étaient des envahisseurs. J'allais soudainement déclarer quelque chose sur cette idée. Mais je me ravise. Je ne veux pas être vue comme une traître et puis qui nous disait que le skaikru n'était pas avec les maunons ?

« Sha. Peut-être que d'autres clans pourraient être au courant de certains détails... » Déclarais-je. « Ou savoir comment les maunons font pour créer la peur de la douleur... »

Heda devait en être avertit au plus vite. Peut-être que d'autres clans pouvaient avoir une idée sur le procédé ? Je sais que que le Delfikru est l'un des clans les plus brutaux. Ils doivent peut-être savoir comment rendre une personne si apeurée qu'elle obéirait ? Je n'en sais rien. Un soupire franchit la barrière de mes lèvres suite à cela. Puis je repense à cette hésitation. Pourquoi ? Je baisse le regard. J'ai pourtant cette impression horrible d'avoir faillie à ma tâche. Pourtant ce que me déclare Marysa me remonte le moral. Oui, je serais morte si j'avais éliminé ce maunon. Et je n'aurais jamais su pour le lien entre les faucheurs et maungeda...

« Je retrouverai ce maunon... Jus drein jus daun... » Déclarais-je confiante et pleine de persuasion.

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Marysa hocha la tête. Il était en effet possible que d’autres clans sachent des choses, il faudrait le leur demander. Dans tous les cas la survie d’Ankara leur permettrait peut-être de comprendre d’où viennent les faucheurs et pourquoi ils se trouvent ici. Sous ce nouveau jour ils pourraient peut-être trouver des réponses et lutter plus efficacement contre eux.
Encore fallait-il avertir rapidement Lexa.
Sur cette pensée Ankara revint sur le sujet du maunon qu’elle avait épargné. Elle déclara sa vengeance à venir et la cheffe de clan ne put que faire signe de son approbation.

« Jus drein jus daun. »
C’était l’un des principes de leurs peuples que Marysa comprenait le mieux pour l’avoir appliqué plus d’une fois. A la mort de son aimée, à la mort de son père et de ses sœurs. La guerre avait pris les siens et elle avait pris ceux des autres.
Au final c’était un cycle perpétuel, mais la vengeance était naturelle pour elle.
« Si ta vengeance appelle mon aide un jour, n’hésite pas. Nous avons tous des comptes à régler avec les Maunons. »
Même si désormais pour Ankara c’était devenu bien plus personnel.

Marysa se leva de son tabouret.
« Il faut que j’aille m’occuper du message pour Lexa, tu peux venir avec moi si tu le désires et si tes blessures te le permettent. Tant que tu ne forces pas trop, les guérisseurs ne devraient pas trop râler. »
Elle lui offrit l’ébauche d’un sourire. Elle doutait qu’Ankara mange plus que ce qu’elle avait déjà pris, elle ne semblait pas avoir un appétit d’ogre en cet instant et elle semblait avoir l’esprit suffisamment clair pour savoir si oui ou non elle pouvait – et voulait – l’accompagner.

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Je porte une dernière baie à mes lèvres, mon estomac est noué, je n'arriverai pas à manger plus. Au moins, j'ai pu avaler quelques baies sucrées. Et rien que cela fait un peu de bien. Oh oui, je l'aurai ma vengeance. J'ignore encore ce que je lui ferai subir mais il risque de ne vraiment pas apprécier cela. Peut-être l'aigle de sang, cela convient bien à ses actes. Puisqu'il s'est prit pour un prédateur avec sa proie, je le transformerai en prédateur ailé. J'esquisse un sourire à Marysa. Je hoche la tête brièvement.

« Mochof, tu sera la première informée. » Promettais-je.

La vengeance était la seule chose qui pouvait calmer les nôtres. Et je trouvais cela tout à fait normal. Si un meurtrier faisait couler le sang d'une personne. Il était logique que le meurtrier fasse couler son propre sang. J'avais hâte de prendre la mienne. Mais pour le moment, je ne pouvais pas me battre. Je me devait de me reposer, cependant je n'avais plus envie de dormir. Je souhaitais bouger, ne serait-ce qu'un tout petit peu. Comme si Marysa avait lu dans mes pensées, elle me proposa de l'accompagner.

« Sha, je veux bien. Je ne pense pas réussir à dormir, j'ai besoin de bouger. Au moins marcher. » Déclarais-je.

Je savais que poser mes deux pieds à terre allait être douloureux, mais plus vite cela serait fait, plus vite j'aurais repris l'habitude ainsi que mes muscles. Me redresser n'était pas un problème, les contusions et les courbatures, les gona savaient gérer. Mais les blessures restaient toujours un soucis. Je remue un peu mes chevilles histoire de faire circuler le sang. Je grimace pour déplacer mes jambes vers le rebord du lit. Les pieds sur le sol, je me frotte le front de honte en sentant la peur de la douleur venir.

« Je crois que je vais avoir besoin de ton aide. » Dis-je.

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Marysa hocha la tête en assentiment : si elle était la première informée, elle ferait tout ce qu’elle pourrait pour aider. C’était une promesse et une résolution personnelle, mais elle ne doutait pas un seul instant qu’au besoin certains de ses proches seraient prêts à aider : si son peuple n’était pas enclin à la violence, la vengeance était dans leurs cordes.

Finalement Ankara accepta de venir avec elle pour composer le message à destination de Lexa. Marysa comprenait le besoin de la guerrière de bouger. Elle était la première à râler lorsqu’elle devait rester immobile trop longtemps si elle devait être honnête.
« Je ne peux que comprendre ce sentiment, » déclara simplement la cheffe alors qu’elle attendait qu’Ankara se mette en mouvement. Elle regarde un peu à droite et à gauche, observant les blessés qui se reposaient, les malades isolés ailleurs pour éviter les contagions. Ses yeux revinrent sur la blondes lorsqu’elle l’entendit demander son aide.

Le visage sérieux elle hocha la tête sans en ajouter plus : elle comprenait que ce ne devait pas être simple à demander pour une guerrière, alors elle préférait ne rien dire et faire comme si cette aide n’était rien, n’existait même pas.
Elle se plaça au niveau de la jeune femme et passa un bras sous son aisselle, le long de son dos, la main sur son épaule avant de se redresser pour entraîner Ankara avec elle.
« Je peux t’aider à faire les premiers pas si tu le désires, le temps de te trouver un bâton d’appui. »

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