Funérailles - Mariak

La fillette aux yeux en amande esquiva agilement un coup d’épée en bois. Sa comparse aux yeux bleus lâcha un grognement de mécontentement et lâcha sa petite arme dans l’herbe. « -C’est injuste ! Tu t’es entrainé sans moi ! –Non je suis juste plus douée ! » Anya tira la langue et ria en esquivant une boule de boue lancée par Kennedy. « -Je te déteste ! –Oui moi aussi je t’aime. –Bon… On ressaie l’attaque du lion ? –Comme si on allait la réussir. –Je croyais que t’étais douée ? » Kennedy se pencha sur le côté, la boue s’écrasa plus loin. « Vraiment pas si douée apparemment » Anya se jeta sur sa comparse et l’assaillit de chatouilles. Plus loin leur mentor les regardait, les bras croisés, un léger sourire sur les lèvres, hésitant à interrompre ce rare moment de divertissement, ce rare moment de légèreté.

L’étalon noir hennit et s’arrêta net sortant Anya de ses pensées. Le tronc d’un arbre, brisé par l’orage de la veille sûrement, barrait la route. Ils eurent vite fait de le contourner et reprendre leur route. La Trikru faillit retourner dans de vieux souvenirs, ceux d’une époque depuis longtemps révolue. Mais elle se résigna à les laisser filer, retourner dans un coin obscur de son esprit. Elle ne voulait pas risquer qu’une larme coule. Elle n’assistait pas aux funérailles seulement en tant que vieille amie de Kennedy, mais en tant que cheffe de guerre également. Si les guerriers ne devaient pas montrer leurs faiblesses, leurs supérieurs encore moins. Une heure passa, le village natal de Kennedy, où devait avoir lieu les funérailles, apparut enfin à l’horizon.

La cérémonie se déroula dans la pure tradition Trikru. Lexa ayant d’autres chats à fouetter, Nia faisant encore des siennes, elle avait laissé à Anya la tâche d’allumer le bûcher funéraire. Mais la cheffe avait également délégué la tâche à Mariak. Un second devait pouvoir rendre ce dernier hommage à son mentor.
La fumée finissait de se dissiper. Les gens commençaient à s’en aller et bientôt il ne resta plus qu’elles deux. L’ancien second et l’ancienne amie. Anya trouva le courage de s’approcher de Mariak. Elle n’avait jamais été douée pour débuter les conversations, mais voulait parler à la jeune femme.

« Mariak, c’est bien ça ? »

Il fallait bien commencer par quelque chose.

Les volutes de fumée disparaissaient lentement dans le ciel. Du bûcher ne restait plus que les cendres de la défunte. Ce qu’elles deviendraient ce serait à Mariak de le décider. C’était la dernière personne réellement proche de Kennedy, peut être l’une des rares qui comptait à ses yeux. Anya ne prétendait plus à ce titre, elles s’étaient trop éloignés l’une de l’autre, ne se croisant que très brièvement, prenant à peine le temps de se parler. Avoir eu le même mentor avait fini par être leur dernier lien et un des derniers points communs. Cette situation n’était pas volontaire, juste leurs responsabilités leur prenaient tout leur temps. Entretenir une amitié était un luxe que les chefs de guerre ne pouvaient se permettre. Une faiblesse de plus, une autre faille exploitable par l’ennemi. Tout de même, à cet instant, devant les restes calcinés de celle qui fut son amie d’enfance, Anya ressentit une pointe de regret. Elles ne pourraient jamais retrouver leur complicité d’antan.

Mariak. Anya ne pouvait prétendre la connaitre, sachant seulement son prénom et sa position par rapport à Kennedy. Pendant une de leurs rares entrevues, cette dernière lui avait raconté leur première rencontre. Comment Mariak avait tenu tête à son futur mentor. Il fallait avoir un sacré caractère pour défier Kennedy. La femme aux yeux bleus n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Loin de là.

Mariak pleurait, pas de petites larmes discrètes, mais personne ne pouvait lui en vouloir. Elle avait perdu un être cher. Anya acquiesça doucement à sa question rhétorique et détourna le regard vers le bûcher.

« C’était une femme bien. Peut être un peu trop dominatrice parfois. On était des amies proches auparavant, elle voulait toujours être la meilleure aux entrainements. »

Anya marqua une légère pause, risquant de se perdre à nouveau dans les souvenirs.

« On cherche toujours l’assassin et quand on le trouvera… Jus drein jus daun »

Mariak sécha ses larmes, ces preuves de faiblesse, d’un sentiment pouvant mener à sa chute, dans une spirale infinie de vengeance ensanglantée. Si le sang appelait le sang, ce n’est pas pour autant qu’il fallait laisser le cœur prendre le dessus, se laisser aveugler par ces émotions, oublier la raison et la logique. Anya n’oublierait pas de le rappeler à Mariak. Elles vengeraient Kennedy mais la tête froide, en étant uniquement le bras armé de la Justice. La fureur, la rage se retournaient toujours contre leur propriétaire, le retour de bâton pouvait faire mal, très mal, laisser encore plus détruit qu’avant. Anya ne le montra pas mais le rire de Mariak la surprit. Du rire aux larmes il n’y avait qu’un pas certes, et tant mieux si elle lui avait redonné, même involontairement, le sourire. Mais elle ne s’y attendait tout simplement pas. Dans bien des domaines. Cette fois Anya haussa un sourcil. Certes. Mariak parlait sûrement de leurs entraînements. Kennedy était très mauvaise perdante et faisait toujours tout pour avoir le dessus, quitte à employer des techniques complètement déloyales en combat. Qu’est ce que domaines pourrait signifier d’autres de toutes manières ?

Oui Kennedy était sûrement un bon mentor. Anya ne connaissait pas assez bien cette facette pour avoir un avis. Mais elle se doutait que Mariak le pensait vraiment. La jeune femme semblait du genre à dire ce qu’elle pense et penser ce qu’elle dit. En plus, Kennedy aimait les gens avec du caractère, elle n’aurait pas pris Mariak en second si ce n’était pas une grande gueule ne s’écrasant pas facilement.

Anya regardait toujours le bûcher mais vit, du coin de l’œil, Mariak sourire d’un air mauvais. La tristesse avait largement laissé place au désir de vengeance. Ce fut largement confirmer par les mots qui suivirent. Ma compagne. Quoi ? Toujours impassible à l’extérieur Anya se tourna vers Mariak. Elle avait bien entendue ?

« Compagne ? »

Dans le fond pourquoi pas mais…Les mentors et les seconds gardaient souvent une limite dans l’affectif. Si les sentiments se mêlaient à l’entrainement il risquait de n’être plus aussi rigoureux et donc efficace. Mélanger devoirs et sentiments était toujours une mauvaise idée avec des conséquences souvent désastreuses.