Torrent - Anya

"Mais quel débile ! Quel idiot de première ! Des avortements se perdent… Comment la Flamme avait pu le choisir ? Elle devait vraiment être désespérée… Les natblidas n’ont rien à faire sur un champ de bataille ! C’est beaucoup trop dangereux et ils sont trop peu nombreux. S’ils meurent tous, comment on fait pour désigner le prochain Heda ? On prend le premier venu ?" Anya inspira à fond, masquant sa colère et guetta la réaction du chef de guerre. Il semblait content cet imbécile. Comme d’habitude il suivrait les ordres d’Heda comme un bon petit chien, sans se rendre compte deux minutes de la débilité de ces ordres, de leurs possibles conséquences. En plus Lexa serait parmi les natblidas. Elle n’avait jamais participé à une bataille, jamais tué personne… Évidemment cela devait arriver un jour, rien que pendant le Conclave. Mais Anya s’inquiétait tout de même des conséquences sur le mental de Lexa. Vu le côté empathique de la petite ce pourrait être soit désastreux soit… Non ce serait dur pour elle, rien d’autre, c’était sûr et certain. Anya espérait que Lexa lui parlerait après le combat. Pour certains soldats cela aidait beaucoup de parler après avoir tué pour la première fois. Ce n’était facile pour pas grand monde de voir la vie quitter les yeux d’un autre être humain, sentir le sang d’un autre couvrir ses mains. Évidemment Lexa survivrait à ce premier combat, Anya y veillerait, s’assurerait de toujours rester pas loin. Même si dans le feu de l’action, en plein milieu de la mêlée, les promesses et les espoirs ne tenaient plus à grand-chose.
Esquiver, contre-attaque, parer, frapper, trancher, détruire… Entre deux coups d’épées Anya jeta un rapide coup d’œil vers son ancien second. Elle se débrouillait bien c’était indéniable, elle se taillait sans peine un chemin sanglant. Les années d’entraînement servaient à quelque chose. Et pour l’instant elle ne semblait pas percuter ce qu’elle faisait. Enfin elle ne remarquait pas non plus les quelques blessures qui sillonnèrent progressivement son corps. Des plaies sans grande importance, qui seraient rapidement soignées. Trikru repoussa Azgeda, le vainquit sans pitié, l’Arbre ne pouvait pas perdre encore une fois, ne devait pas. Et malgré l’incompétence du chef de guerre la victoire fut complète. Mais ce n’était qu’une bataille. Pas la guerre. Il n’y avait pas de quoi se réjouir. Enfin si. Être en vie était une source suffisante de réjouissances. Mais le lendemain verrait peut être une autre bataille. Alors il ne valait peut être mieux pas se réjouir toute de suite, trop rapidement.

Le clapotis calme et reposant d’une rivière. Loin des cris et des pleurs. Un petit coin de paradis au milieu de la forêt. Cela ne servait à rien de chercher autre chose, cela suffirait amplement. Anya perçut le regard forêt en quête d’approbation sur elle. Lexa se comportait encore un peu comme son second. Mais était-elle toujours la petite fille innocente d’autrefois ? Pouvait-elle garder cette innocence après avoir ôté des vies ? L’avait-elle vraiment gardé ? Anya retira rapidement ses bottes pour avancer un peu dans l’eau claire.

"Ici ce sera parfait."

Elle commença à retirer son haut, doucement et lentement pour ne pas réveiller les blessures sur ses bras, dévoilant progressivement la courbe de sa poitrine, encore cachée par des bandes.

"Tu as pensé quoi de la bataille ?"

Autant aborder le sujet doucement. Pas facile mais c’était un sujet sensible et Lexa ne voudrait peut être pas parlé de ce qu’elle ressentait après avoir tué pour la première fois. Mais il le fallait. Sinon cela risquait de la travailler et il n’en ressortirait rien de bon.

Se sentir mieux... Pour certains cela aidait de tuer, de se défouler sur l'autre dans une folie meurtrière, sanglante, quitte à perdre son humanité petit à petit, à ne plus pouvoir, au final, se regarder dans un miroir. Alors les mots de Lexa soulagèrent un peu Anya. Si la petite ne prenait pas goût au sang, tant mieux, si elle ne se prenait pas d'une envie folle d'aller tuer encore plus d'Azgediens, de goûter encore et encore à la saveur amère de la vengeance, encore mieux. Cela ne la mènerait qu'à sa destruction. Un soldat doit garder la tête froide. Anya s'était évertuée à lui enseigner ce principe de base, ce n'était pas pour rien.
Lexa ne continua pas sur sa lancée, ne lâchant pas un mot de plus, courant dans l'eau froide pour se débarrasser de l'odeur et du sang des morts. Anya l'observa intriguée, ne comprenant pas pourquoi elle ne s'était pas entièrement déshabillée. Elle faisait ce qu'elle voulait mais d'habitude c'était le cas. En plus cela signifier se balader avec des sous-vêtements trempés tout le reste de la journée. Niveau confort et praticité il y avait mieux. Lexa était peut être devenue timide, ce serait étrange mais pourquoi pas. Anya haussa intérieurement les épaules. Les adolescents avaient leurs lubies. Le mentor déboucla sa ceinture, laissant son pantalon glisser le long de ses cuisses,enjambant le vêtement elle le poussa plus loin du bout du pied. Elle voulut arrêter les mouvements presque désespérés de Lexa. Elle se faisait juste du mal en s'acharnant ainsi contre le sang séché. Mais Anya désirait, avant d'avancer plus dans l'eau, se débarrasser de ce qu'il lui restait sur le dos. Malheureusement, en tentant de plier le bras en arrière, une blessure se rappela à son bon souvenir. Impossible de défaire les premières bandes seule.

"Lexa? S'il te plaît."

Elle tourna son dos vers son ancien second, espérant qu'elle l'ait entendue et ne soit pas complètement absorbée dans sa tentative d'arrachage de peau.

"Tu t'y feras un jour. Tuer des gens. De toute manière c'est soit toi soit eux. Il n'y a pas vraiment le choix."

Tous les guerriers s'y faisaient. Ils ne pouvaient pas en être autrement. Cela faisait partie du job. Et puis quand il faut suivre les ordres, il faut suivre les ordres, même si cela impliquait de tuer des gosses.

Une demande simple. Une banale question. Normalement, il ne faudrait à l’interpellé que quelques secondes pour réagir, un peu plus pour s’exécuter. En toute logique Lexa aurait déjà dû dégrafer les bandes, ou alors être sur le point de le faire. Pourtant elle venait à peine de rejoindre la rive. Elle semblait vraiment autre part. Anya ne pouvait la voir mais cela se sentait. Sûrement le contrecoup de la bataille. Qu’est que ça pourrait être d’autre ?
L’ancien mentor faillit se retourner, essayer d’estimer à peu près l’état mental de Lexa, à quel point l’ancienne seconde pouvait être perdue dans ses pensées pour être aussi lente. Mais elle se rapprochait et il vaudrait mieux lui poser directement la question. Plus tard. Elle retrouverait peut être le chemin de la réalité toute seule. Elle avait peut être besoin de se retrouver un peu seule. Peut être. Et à part elle qui pouvait réellement savoir ? Anya n’était pas dans sa tête, ce n’était même plus son second. Techniquement Lexa pourrait partir sans mot dire, son ancien mentor n’aurait pas de raisons de la retenir.

Sa remarque, presque un enseignement ou une mise en garde, ne reçut qu’un borborygme. Il valait mieux, peut être, laisser Lexa dans ses pensées, son monde. Elle avait peut être besoin de repenser à la bataille, réfléchir aux conséquences, si elle n’avait, réellement, ressenti aucun plaisir à enfin se venger. Les bandes tombèrent au sol, tâchées du sang qui imprégnait, imbibait, également le reste des vêtements. Lexa retourna précipitamment dans l’eau. Trop rapidement. Mais qu’est ce qui lui arrivait ? Rien ne tournait rond chez elle depuis leur arrivée dans leur rivière. Certes Lexa n’avait jamais été une grande bavarde, ou du genre à courir partout en racontant sa vie, en criant ses derniers exploits. Mais là… Anya retint un soupir et avança dans la rivière, aspergeant son corps d’eau. Elle empêcha un autre soupir de franchir la barrière de ses lèvres. Non elle ne pouvait pas laisser son ancien second dans ce quasi-mutisme. Quelque chose n’allait pas. Et il valait mieux qu’elle en parle. Anya se tourna vers Lexa, le corps entièrement nu et trempé.

"Qu’est ce qui ne va pas ? Ne mens pas, ça se voit à des kilomètres que quelque chose te taraude."

Le doux clapotis de la rivière, la douce brise, juste le bruit des oiseaux. Le tableau aurait pu être parfait, un moment calme loin du fracas de la guerre. Mais, comme d’habitude, quelque chose clochait, c’aurait été trop beau que tout aille bien dans le meilleur des mondes. Comme si tout pouvait bien se passer. Quelque chose tourmentait Lexa. Quoique ce fut il fallait le trouver et lui niquer sa maman. Elle avait déjà trop souffert. Malheureusement rien n’indiquait quel était le problème. Elle n’avait pas ses règles, ce n’était pas le contrecoup de la bataille… Si c’était le cas elle n’hésiterait pas à se confier. Ce pourrait être quelque chose de tabou… Mais qu’est ce qui pourrait l’être ? Lexa savait pourtant qu’elle pouvait tout dire à son mentor. Après tout Anya l’avait vu dans ces pires moments. Il n’y avait aucun tabou entre elles. Enfin si, tout ce qui touchait aux sentiments, de type amoureux par exemple. Lexa serait tombée amoureuse pendant son entrainement à Polis ? Non cela ne pouvait pas expliquer sa gêne… Anya retint un soupir en attendant impatiemment la réponse à sa question.

Cette petite voix n’appartenait pas à Lexa. Impossible. Mais qu’est ce qui lui arrivait ? Bon sang cela devenait insupportable. Anya ne loupa pas la soudaine coloration des joues de son ancienne seconde. Cela lui fit se poser encore plus de questions. Lexa ne l’aidant pas et vu qu’elle commençait à en avoir de se casser la tête, le mentor décida d’harceler son ancienne seconde jusqu’à avoir des réponses claires. Et dieu sait qu’elle pouvait être persuasive. Ou casse-pieds. Tout dépendait du point de vue.
Anya s’agenouilla devant Lexa, hésitant brièvement par quoi, comment, commencer. Cela lui faisait de la peine en plus de voir son ancienne seconde dans cet état. Elle aurait dû sauter de joie partout, après tout elle avait remporté sa première bataille.

"Lexa kom Trikru tu vas dire tout suite à ton mentor ce qui se passe sinon je t’asperge d’eau jusqu’à ce que mort s’en suive."

Rien que le fait qu’Anya essaie de faire de l’humour, cela devrait indiquer à Lexa que l’ancien mentor s’inquiétait vraiment.

"Tu sais que tu peux tout me dire…Que je ne vais pas te juger. Tant que tu n’aie pas tombé amoureuse d’un Azgeda."