Eve Rivera — New Hope

10 mai 2130 :: Capture

Une autre mission, d’autres natifs qui allaient hurler et tenter de fuir, les attaquer et se défendre. D’autres camarades blessés ou pire, tout ça pour des tests, des études qui ne semblaient pas avancer plus que cela. À se demander le pourquoi de tout cela au final, ce côté répétitif commençait à lasser le Sergent qui remettait ses gestes en question, ses dernières années de service. Il avait vu tant de ses amis mourir dans des souffrances atroces par la faute de radiation, à cause de natifs armés ou réactifs qui perçaient parfois les combinaisons. Comme tous, il souhaitait vraiment pouvoir se promener à l’air libre, de véritablement profiter de ses sorties hors des murs du Mont. Mais cela valait-il tant de sacrifices ? Ils faisaient encore et toujours la même chose, et toujours aussi peu de résultats. Ça le tannait, le frustrait même, de sacrifier ses frères d’armes comme ça. Il aimerait pouvoir les protéger mieux que cela, d’en voir revenir plus et cesser d’en pleurer pour une raison aussi bête qu’une branche qui déchire le tissu de leur habits. Mais comment, ça c’était le grand dilemme. Il y pensait depuis quelques semaines, mais il n’avait jamais été du genre fin penseur et plus de ceux à avoir une idée sur le moment. Et il fallait encore l’appliquer. Bref, il faisait comme il aimait faire quand ses pensées le troublaient : faire son travail et puis voilà.

Ainsi donc, en cette matinée, Ezra Rivera partait pour une énième mission avec sa section. Il enfilait la combinaison qui le protégeait de ces radiations mortelles pour son organisme machinalement, prenant son arme et regroupant les soldats. Comme d’habitude, il fit un rapide résumé de l’opération de la journée, rappela les mesures d’urgences et de rester prudent. Les consignes de toujours, en somme puis enfin ils sortirent en formation groupée. Ils avançaient prudemment, cherchant des signes de passages de natifs récents. Cela semblait être un jour de chance, ils en remarquèrent assez aisément et purent les suivre et tomber sur un petit campement de fortune. L’état assez simple laissait penser à de simples voyageurs et donc des gens qui n’avaient pas de très grandes capacités de défenses. Une aubaine. Sans attendre, ils pointèrent leurs armes vers eux, rapidement la panique envahit le petit rassemblement, mais aucun ne tenta de fuir ou d’attaquer, prouvant leur première idée. Ils rentreraient vite aujourd’hui. Laissant les nouveaux prisonniers aux bons soins de ses camarades, il fit le tour des tentes avec deux autres soldats. Soulevant le pan de l’ouverture avec le canon de l’arme, il pencha la tête pour jeter un rapide coup d’œil et constater le vide. Il passa à la suivante, répétant le même processus. Cette fois-ci cependant, il fut accueilli par une petite masse de chair remuante qui laissait savoir les prémices d’une crise de larmes. Ezra eut un léger temps d’arrêt, des bébés il n’en trouvait pas tous les jours, en général il les laissait là. On ne pouvait pas franchement en tirer grand-chose. Sauf qu’avant il n’avait jamais eu ces questionnements, cette envie de changer les choses. Comme dit plus haut, les idées lui venaient plus sur le coup qu’au réfléchit et là, en regardant ce poupon qui hoquetait, une pensée germait. Des agents sans combinaisons… moins de risques. De possibles résultats plus flagrants. Un léger espoir…

Ça paraissait fou. C’était fou. Mais ça l’était tant que ça pouvait fonctionner. Il fallait l’avis du Président et l’aide de d’autres. Alors il prit la fillette enfouie dans les langes qui commença à pleurer, certainement effrayée par cette espèce de chose étrange qui la tenait. Maladroitement il tentait de la calmer en faisant signe qu’il rentrait et également de calmer ce devait être la mère qui venait de remarquer son enfant.
En rentrant, il décontamina tout avant de se promener dans les couloirs avec le bébé, se dirigeant directement vers les locaux de Wallace. Il lui présenta son idée, d’élever cette petite ici et en faire un soldat libre de ses mouvements, capable d’aller plus loin qu’ils ne le pourraient. À sa grande surprise, Dante sembla convaincue de ce projet et il prit les détails en charge avec des scientifiques, dont le premier était que l’enfant serait logée chez le Sergent Rivera. Avec lui, ils étaient assurés d’avoir une surveillance et une discipline sans failles. Ce fut les premières heures de vie de New Hope.

22 septembre 2136 :: Realite

Le pas las, la toute petite fille avançait dans les couloirs faits de gris et de tableau que l’on voyait et revoyait à répétition. À force on finissait par les connaître par cœur ces peintures, toutes les couleurs, formes et courbes, tous était imprimés dans l’esprit et on finissait par perdre toute la beauté de ces arts. Elle les zieutait sans aucun réel intérêt, pour elle ce n’était qu’une routine, une tâche. Ça n’avait plus d’importance, ce n’était pas intéressant. Plus depuis longtemps. Elle ne faisait que penser alors que ses yeux se perdaient le long des murs, avançant sans regarder ce trajet qu’elle ne connaissait que trop bien. Ses pieds la guidaient désormais seul, dans un réflexe, une routine qui durait depuis une éternité si on voulait son avis. Il n’y avait pas grand-chose à retenir ; après l’école c’était direction l’aile des résidences. Pas de discussions avec les autres, aucuns détours, aucunes excuses. Elle rentrait directement chez elle, suivait le couloir, tournait deux fois à gauche puis une à droite et enfin c’était la sixième porte. Ses pieds s’arrêtèrent justement devant celle-ci et l’enfant fouilla sa poche pour en sortir une simple clé et déverrouiller la serrure pour entrer dans le petit appartement. L’endroit était modeste, une petite pièce pour l’entrée, deux chambres et une salle de bain. Sa chambre suivait ce même style et n’était constituée que d’un lit une place, une table de nuit, un bureau et une petite penderie. Le tout dans des tons neutres de gris, blanc et bleu terne. Franchement, rien de bien extravagant.
Suivant son horaire, la brune déposa son sac au pied de sa table de travail et alla chercher un petit sachet de fruits séchés que son tuteur gardait chez eux en cas de faim et un verre d’eau. Puis elle s’installa pour faire ses devoirs jusqu’à ce que son colocataire revienne la chercher pour l’entraînement de la journée. En général, ça lui laissait vingt minutes d’attente avant qu’elle n’entende les pas caractéristiques d’Ezra, le léger grincement de la porte et lui qui buvait un peu avant de repartir vers la salle d’entraînement avec elle lui collant aux talons.

La vie d’Eve était rythmée telle une horloge et ce depuis qu’elle savait tenir sur ses pattes. Chacune des minutes de son existence étaient planifiée, chacun de ses gestes étaient surveillés et elle n’avait jamais eu son mot à dire. De toute façon, comment le pouvait-elle ? Elle n’était qu’une petite chose dans un monde de grands, incapable de s’élever et faire porter sa voix. Alors elle pliait et faisait ce qu’on lui disait. Pour elle c’était ce qui se rapprochait le plus de la normalité, comme elle n’avait connu que cela. L’unique façon qu’elle avait de faire des comparaisons c’était en regardant les autres. Mais encore là, les autres n’étaient pas comme elle. Personne n’était comme elle, personne n’avait ce poids qu’elle possédait sur ses frêles épaules. Alors.. Avait-elle son mot à dire au final ? Elle n’avait jamais essayé en tout cas. Parfois c’était frustrant, de vivre si différemment de ses amis et surtout de ne rien connaître à ses origines. Justement, la maîtresse leur avait donné un projet où ils devraient présenter leur famille et ancêtres. Sauf qu’Eve, elle n’était que des mots sur du papier.

Elle y pensait pendant son entraînement, et nécessairement cela la rendait distraite et moins compétente, chose que son père d’adoption remarqua bien vite. Au début il ne dit rien, l’observant courir le long de la pièce. Elle traînait des pieds, ses prunelles observant un point dans le vide et elle ne vit pas son lacet qui était lâche et menaçait de se détacher. La suite fut plutôt sans surprise et le bout de ficelle finit par tomber par terre et la brune s’enfargea sur lui, faisant une rencontre plutôt brutale avec le plancher. S’étalant de tout son long, son corps glissa quelques secondes et brûla désagréablement sa peau. Elle retint une plainte et se redressa sur ses coudes, laissant le temps à Ezra de la rejoindre et de s’accroupir lentement à son niveau. Une légère envie de pleurer à cause de la douleur lui secouait les entrailles, mais elle se retenait devant son mentor. Elle n’osait d’ailleurs pas le regarder dans les yeux, fixant ses pieds jusqu’à ce qu’il redresse son menton et l’oblige à confronter le sermon. Eve eut de ces airs qu’on les chiens battus et murmura des excuses.

« Qu’est-ce qu’il y a. » demanda simplement Ezra, connaissant les petites manies et toques de la petite fille. Cette dernière ne savait pas comment poser ses questions, n’ayant pas souvent l’habitude de remettre en question les décisions prises à son sujet. « Ezra, pourquoi j’ai jamais su qui c’était mes parents ? » L’homme sembla soudainement secoué pendant un bref instant, mais cela fut si cours qu’Eve crut avoir tout imaginé.

« C’est compliqué Eve. Tu es encore un peu jeune pour tout comprendre, mais le Président a passé un accord avec tes vrais parents et personne ne sait leurs identités.
Même toi ? Je ne peux vraiment rien savoir…
Désolé. C’est leur droit de rester anonyme. Pourquoi ces questions ? »

La brunette eut un moment d’hésitation et elle ne fut pas sûre de comment dire ce qu’elle avait sur le cœur. Disons que malgré son affection pour Ezra, se confier avec lui était loin d’être naturel et chose simple. C’était sa figure masculine, son exemple dans la vie, mais il manquait toujours un on ne sait quoi pour qu’elle réussisse à l’appeler papa. Inspirant un grand coup, elle trouva finalement le courage de se lancer. « On a un devoir à faire pour l’école. La maîtresse veut qu’on présente notre famille et nos ancêtres et … j’en ai pas vraiment de famille moi. Je ne sais pas trop quoi dire du coup. » Son vis-à-vis n’eut aucune réponse à lui soumettre et cela mit la gamine mal à l’aise qui commençait à regretter d’avoir parlé. « Ezra ? » L’intéressé se redressa et lui tendit une main pour l’encourager à faire de même, aide qu’elle accepta et sans mal elle fut soulevée et remise sur pieds. Le Sergent semblait quelque peu mal à l’aise et il bredouilla une vague réponse. « Tu..tu n’as qu’à dire que-hum. » Elle attendit la suite avec un certain espoir, dont elle ne comprenait pas trop l’origine. « Tu peux dire que la Montagne est ta famille.. Viens, on a fini pour aujourd’hui. » Sans savoir pourquoi elle fut déçu de cette réponse et elle hocha vaguement la tête. Oui, la Montagne, ça ferait un bon devoir. Elle termina sa journée sur cette pensée, le cœur légèrement lourd et triste. Du haut de ses six ans, Eve vivait déjà de ses troubles d’adultes, n’ayant jamais eu l’occasion de vivre une véritable enfance. Et parfois cette réalité la déprimait.

27 fevrier 2143 :: Labeur

Aujourd’hui on l’avait dispensé de cours pour toute la journée, chose assez inhabituelle en général puisque les hautes têtes de la Montagne était toujours un peu à cran quand on touchait à son éducation. Même, on lui donnait souvent des cours supplémentaires en termes de survie et de botanique pour qu’elle ne se retrouve jamais mal prise à l’extérieur. Enfin, elle ne soufflait jamais véritablement et ce genre de mesure la prenait toujours par surprise. La dernière fois que ça lui était arrivé, c’était l’année dernière quand ils ont décidés qu’elle devait apprendre la langue des natifs. Eve avait alors fait une sorte d’immersion intensive avec d’autre capturés pour connaître une bonne base de leur langage. Ces mois furent long et éprouvant, elle se devait de l’admettre et de dire qu’elle avait remis beaucoup de chose en question durant cette période. Sa vie n’était pas bien palpitante, elle marchait sur un pas militaire et vivait sur une routine très stricte. Son mode de vie était pire encore, elle se devait de manger plus que sainement et elle dormait à un moment précis et s’entraînait tous les jours. Parfois on lui accordait des moments libres, lors d’occasions spéciales comme son anniversaire par exemple. Ou juste pour la laisser souffler un peu. Elle restait humaine après tout. Bref, elle attendait sagement dans la salle d’entraînement, dans ses vêtements pour l’exercice, droite comme une soldate. Ses longs cheveux sombres étaient rassemblés en une tresse qui tombait dans son dos et elle tourna légèrement la tête en entendant entrer son instructeur et Ezra. Ses sourcils se froncèrent quand elle remarqua un étrange paquet entre les mains de son tuteur qui avança, un léger sourire en coin. Il lui tendit la surprise que la jeune adolescente prit, de plus en plus intriguée. « Qu’est-ce que c’est ? » Lança-t-elle, un peu méfiant. On ne lui faisait pas vraiment de cadeau gratuit comme ça, pas sans une nouvelle charge de travail. « Ouvre donc, tu verras. » Et elle nota une légère note taquine dans la voix de son père d’adoption. Ok, là ce n’était clairement pas pour la féliciter de son bon comportement.

Sans attendre plus longtemps, la jeune fille déballa l’étrange forme de ses multiples couches de tissus qui la recouvraient. Elle tendit les emballages au premier qui les attrapa et observa son fameux présent qui s’avéra être un arc. Elle en avait déjà vu, mais qu’en image dans les livre ou certains des tableaux et elle savait que c’était l’ancêtre du fusil. Mais elle ne comprenait pas trop pourquoi on lui donnait un truc aussi archaïque et elle lança un regard interrogateur aux deux adultes en face d’elle. Ils durent vite comprendre le doute qui planait dans l’esprit de la brune car on ne tarda pas à lui donner une réponse. « En discutant il nous ait apparut que te promener avec des fusils ne t’aiderait pas à t’intégrer auprès des natifs. Donc, j’ai eu l’accord pour t’enseigner le tir à l’arc. » Eve resta interdite quelque minutes, ses yeux faisant des allers et retours entre l’arme et le duo en face d’elle. Puis elle s’exclama.

« Quand ça !? C’est à peine si j’ai le temps de respirer.
On va rajouter une heure à tes entraînements. Tu feras donc moins de temps en classe. Ils n’étaient pas très heureux, mais tes résultats sont excellents et les professeurs sont au courant. Ils te laisseront des notes pour les heures de cours que tu manqueras.
….D’accord, je commence aujourd’hui j’imagine, toute la journée avec Rick ?
Oui, Ezra viendra parfois. Allez, au boulot ! »

La jeune Eve eut un léger soupir las, mais elle ne protesta pas et suivit son instructeur qui avait déjà préparé des cibles. Jamais de toute sa vie elle n’avait autant détesté une séance d’apprentissage et surtout cette arme de malheur. Tendre le fil tuait ses doigts à chaque fois qu’elle tentait et l’envie de tout jeter au loin la démangeait. Mais elle prenait sur elle, continuant sous les encouragements de Rick. Elle était vraiment à bout de nerfs et cette journée lui parut interminable et en rentrant elle s’enferma dans sa minuscule chambre. Enfouie sous ses couvertures, elle tentait d’oublier la peau de ses doigts qui la faisait souffrir et menaçait de saigner. De légers sanglots silencieux l’avaient secouée un bon moment et elle s’endormit les joues asséchées par les larmes.

08 octobre 2146 :: Sacrifice

Installée dans les couvertures, Eve fixait le plafond sans réel intérêt alors qu’elle cherchait Morphée et sa douce étreinte. Aujourd’hui c’était l’anniversaire du Président et normalement elle se serait rendue aux festivités. Mais on lui avait refusé cette soirée parce que sa toute première sortie en extérieure serait dans quelques semaines. Donc, on la voulait en forme et reposée et elle ne pouvait pas se permettre de se détourner de sa routine et risquer d’être déboussolée. À force elle était habituée, de toutes ces concessions qu’elle faisait constamment depuis sa plus tendre jeunesse. Pour être honnête, ça ne lui faisait plus vraiment grand-chose, plus rien en fait ne lui faisait grand-chose. Sa vie était ainsi et elle savait qu’elle le serait aussi longtemps que son peuple ne pourrait pas marcher à l’air libre. La brune s’était faite une raison, pour survivre c’était le mieux. Attention, elle adorait la Montagne, pour ces gens elle avait tant fait et elle ferait encore beaucoup. Elle espérait juste qu’eux aussi le voit, qu’ils se rendent compte de toutes les misères qu’elle endurait pour leur offrir une autre perspective d’avenir.

Cette prochaine étape de sa vie la rendait quelque peu nerveuse néanmoins, après tout, elle se préparait pour ce moment depuis si longtemps…. Elle avait peur de tout faire rater, de décevoir tant de gens. Pourtant elle était suréquiper, autant en matériel qu’en connaissances. Elle parlait la langue des natifs, tirait à l’arc et au fusil, se défendait comme une tigresse et pouvait marcher des kilomètres durant sans se fatiguer. Tout ce qui lui manquait en réalité c’était de la pratique et elle viendrait avec le temps. Alors il n’y avait pas de raisons pour qu’elle s’inquiète, si ? Elle n’en savait franchement rien.
Eve n’avait pas osé se confier à qui que ce soit, même avec Perséphone alors que la femme était sa meilleure amie et certainement la seule dans cette Montagne à vraiment comprendre sa situation. Elle se doutait des réponses qu’on lui rendrait, qu’elle devait se ressaisir et rester forte. L’enjeu était bien plus que ses déboires, elle le savait que trop bien. Eve l’entendait depuis toujours, elle avait même son mantra pour s’aider dans ses moments de doutes comme ceux-ci. Quand elle se demandait si tous les sacrifices qu’elle avait faits au cours de sa vie en valaient véritablement le coup. Qui pouvait lui en vouloir de douter ainsi ? D’avoir peur que toute son existence n’ait au final servit à absolument rien. Qu’elle n’ait été qu’un faux espoir au final. Seigneur, ça la tuerait si cela arrivait. Malgré toutes les tristesses qu’elle ressentait parfois, tous les doutes, les crises, elle avait besoin du soutien et l’approbation de son environnement. C’était un cercle vicieux d’une certaine façon, une relation un brin malsaine, mais on l’avait tellement bien manipulée qu’Eve ne s’en rendait toujours pas compte.

La brune soupira. Avec tout ça, elle ne dormait pas. Elle aurait aimé rejoindre ses amis à la fête, profiter d’une petite soirée pour se vider l’esprit de tous ses soucis. Mais il ne servait à rien de se morfondre ainsi, elle était mieux de chercher le sommeil. Mais bien sûr, elle n’y arrivait pas. Un nouveau soupir alors qu’elle se levait pour aller boire un verre d’eau et s’en passer sur le visage. Elle n’avait pas le droit aux médicaments, ça bouleverserait son système et son cycle naturel, alors elle devait compter que sur ces maudites méthodes de relaxation. Elle retourna dans son lit et s’enroula dans ses couvertures. Eve ferma doucement ses paupières et laissa le monde autour d’elle sombrer dans les ténèbres du sommeil.

13 avril 2149 :: egarement

Son cœur se serrait amèrement alors qu’elle écoutait les dernières actualités de la Montagne. Elle en avait entendu parler de ces gens tombés du ciel, auprès des natifs car elle était de sortie, mais en rentrant elle fut surprise de les voir. Quoi que ce ne fût pas illogique, faire des tests sur eux était une opportunité incroyable puisque que les radiations ne les affectaient pas. Elle le voyait dans les yeux de la scientifique qui faisait sa prise de sang, ils brillaient d’un espoir qu’elle n’avait encore jamais vu. Sa voix était vibrante de joie, sans qu’elle n’en sache plus sur le destin réservé à ces gamins, elle comprenait qu’ils étaient vraiment très prometteurs. Et qu’accessoirement, elle était sur la touche. Cette pensée faisait naître en Eve un tourbillon de sentiments. De la terreur, de la tristesse, de la rage… Bien sûr elle était contente, si enfin les siens pouvaient sortir c’était parfait. Mais l’idée de n’avoir servi à absolument rien au final l’enrageait. Toutes ces années de sacrifices, de douleur, de restrictions, de tout. Tous ces efforts réduits à néant !? Non, elle ne voulait pas, elle ne pourrait pas le supporter. La brune avait été sage durant des années, n’avait jamais fait de caprices, elle avait absolument tout enduré pour eux. Pour ceux dont le regard comptait plus que tout. Et on commençait à se détourner d’elle pour d’autre petits, qu’on accueillait comme des héros. Mais ils n’étaient pas différents des natifs qu’ils capturaient, pourquoi avaient-ils droit aux honneurs, ils ne les méritaient pas. Mais que pouvait-elle y faire ? Rien, comme toujours. Elle n’avait pas son mot à dire, elle ne l’avait jamais eu. Et franchement, ça commençait à sérieusement l’énerver.

Ils ne le voyaient pas cette colère qui grandissait en Eve, elle le cachait, comme toujours. Ils commençaient à la perdre la petite, qui se refermait, s’éloignait. Elle tanguait entre sa loyauté qui frôlait la dépendance et ses envies de liberté. Eve était une bombe à retardement… qui pouvait exploser à tout instant.