Snacha - Anya

Oublier le passé… si le cœur et l’esprit agissaient ensemble, peut être ce serait possible. Il y a des choses que je veux oublier, des erreurs qui pèsent lourd sur ma conscience. Elles nous détruisent autant qu’elles nous élèvent. Douloureusement contradictoire. Mais au milieu de l’obscurité il y aura toujours une lumière. Au milieu des souvenirs douloureux il y en aura toujours un, en apparence insignifiant, mais si nécessaire. Nécessaire pour se rappeler que la vie n’est pas que souffrance, pas seulement un combat qu’on a souvent hâte de voir se terminer.

La pluie ne cessait de tomber, transformant la terre, s’infiltrant dans les vêtements. Les traces de pas des animaux se détachaient clairement dans la boue. Comme si la Nature voulait rendre les choses plus faciles à la petite Lexa. En ce jour pluvieux elle apprenait à devenir une ombre parmi les arbres, à comprendre cette Nature qui l’entourait en permanence, à la respecter. La comprendre pour enfin ne faire qu’un avec elle. Elle apprenait à être pleinement Trikru. C’était le but de leur retraite dans les grottes, ses parents n’avaient, malheureusement, pas pu finir de lui inculquer certains enseignements. Alors Anya s’en chargeait. N’ayant pas la prétention d’être une mère de substitution, elle finirait ce que les parents de Lexa avait commencé, elle le devait.

Le soleil déclinait lentement derrière les arbres. La journée avait été longue et Anya ne pouvait ignorer les frissons secouant de plus en plus régulièrement Lexa. Elle ne mouftait pas, sa mentor en était fière, mais il était clair que, si elles restaient plus longtemps sous la pluie, la petite ne serait pas au meilleur de sa forme le lendemain. La mentor commençait, également, à en avoir assez d’être trempée jusqu’aux os. Elles reprirent le chemin menant aux grottes sous une pluie battante, dépassant en force les précédentes. A croire que la Nature en avait assez des deux Trikru.

Attends s’il te plait ! Anya lâcha un grognement de mécontentement. Lexa ne s’était pas plainte de la journée. Elle craquait maintenant ? La mentor se retourna pour voir son élève de nombreux pas derrière. Elle ne devait plus suivre le rythme de son aîné depuis un moment. Anya soupira en voyant Lexa quitter le sentier. Elle avait envie de pisser ? Sous une pluie pareille ? Le mentor attendit un moment. Agacée de rester sous l’eau sans rien faire elle finit par prendre le même chemin que Lexa. Elle la retrouva bloquée devant ce qui ressemblait à un raton-laveur blessé. Anya se rapprocha doucement de l’animal, faisant tout pour ne pas l’effrayer et observa la blessure. Elle n’avait pas l’air trop grave, en tout cas un novice pourrait s’en occuper. Anya tourna son regard vers Lexa.

« Qu’est ce que tu attends pour le soigner ? »

Elles étaient Trikru, le peuple des arbres, et ne pouvaient, ne devaient donc pas laisser un habitant de la forêt souffrir.

Le snacha n’était pas un adulte, trop petit. Il ne devait pas avoir quitté sa mère depuis bien longtemps. Il voulait peut être découvrir le monde, il n’avait pas été assez prudent. Faible et démuni, blessé et seul, un prédateur aurait tôt fait de l’achever, la pluie glaciale n’arrangeait en rien son état, il ne devrait pas survivre plus de quelques heures. Du moins si Lexa ne le prenait pas rapidement en charge. Cela lui servirait d’entrainement, les animaux étaient tout aussi faible face aux infections que les humains. Sa démarche pour soigner la blessure serait donc, à peu de chose près, la même que sur un humain. Désinfecter et panser. La base du soin, faisable par tous, même un novice de huit ans.

Comment augmenter le risque de tomber malade après une journée sous la pluie ? Ôter sa veste. Ce que fit Lexa sans hésitation. Elle enveloppa le snacha dans le vêtement. L’animal se laissa faire, fatigué ou n’ayant pas encore peur de l’humain. Certains Trikru avaient l’habitude de les chasser pour leur fourrure. Mais celui-là était trop jeune pour connaitre déjà cette crainte de la traque. Dépêchons-nous ! Passée la surprise Anya sourit intérieurement et regarda Lexa reprendre le chemin menant aux grottes. Huit ans, la tête haute, un bébé animal dans les bras…oui la scène était amusante. Le mentor rattrapa aisément son second, la dépassa et lui mit une légère tape derrière la tête au passage. Seule punition pour avoir donné un ordre à son mentor. Anya comprenait que Lexa ne l’avait pas fait exprès, elle était entièrement concentrée sur le snacha et n’avait pas réfléchi. Donc pour cette fois elle laissait couler.

Les grottes n’étaient plus très loin, déjà visibles. Elles ne traînaient pas et avançaient d’un bon pas. Elles auraient pu rejoindre leur abri en quelques minutes. Mais un grognement retentit. Quatre paires d’yeux jaunes apparurent dans les sous-bois. Des loups, faméliques, attirés par l’odeur du sang, par la promesse d’un repas facile. Anya dégaina lentement ses deux épées et observa rapidement les alentours. Les grottes n’étaient pas loin, mais n’arrêteraient pas les prédateurs. Ils étaient aveuglés par leur faim, épuisés par le manque de nourriture. En gardant la tête froide ils seraient vaincus rapidement. Le mentor se rapprocha de son second, ne quittant pas les loups des yeux.

« Mets toi en garde. Comme à l’entrainement. Garde la tête froide, contente toi d’esquiver. »

Anya commençait à connaitre Lexa. La petite n’abandonnerait pas le snacha. Trop empathique. L’un des loups grogna et, perdant patience, sauta sur le mentor. Un pas sur le côté, un coup d’épée et il se vidait de son sang au sol.

La pluie battante et froide, la boue s’agrippant aux chaussures, comme refusant de les laisser se décoller, l’obscurité prenant place progressivement. Des conditions catastrophiques pour combattre, des conditions que ne voudraient aucun soldat. Encore moins contre des animaux. Enragés, affamés, désespérés, ces loups n’avaient rien à perdre, tout à gagner. Ils ne se replieraient pas. Même la mort de leur chef ne les stopperait peut être pas. Dans cette attaque ils lançaient peut être leurs dernières forces, leurs dernières ressources. Ils ressemblaient tellement à des humains, prêts à tout pour survivre, pour vivre un jour de plus, même si cela signifier de risquer sa peau.

Lexa suivrait les consignes, elle n’était pas du genre à désobéir, elle ferait de son mieux, elle faisait toujours de son mieux, se donnait toujours à fond. Anya essaya tout de même de garder un œil sur son second, mais dut vite mettre toute sa concentration dans le combat. Que le sang d’un des leurs entache la boue, ne calma aucunement les prédateurs, peut être cela les énerva encore plus. Un loup s’empala sur sa lame, un deuxième la projeta au sol. Elle réussit à s’en débarrasser rapidement. En se relevant elle ne put rater l’exclamation de Lexa. Anya ne prit pas le temps d’insulter son second et lança vivement un couteau de lancer dans la gorge du loup. Cible atteinte et éliminée.

"Bordel ! T’allais sérieusement risquer ta vie pour un raton-laveur ?! T’aurais fait quoi si je n’avais pas été là ?! Et tu crois vraiment que ta mort l’aurait sauvé ?!"

Anya inspira à fond, retrouva un air stoïque et continua de fixer Lexa d’un air froid, attendant la réponse. La mentor ne sentit même pas le sang qui coulait de son bras gauche, de la plaie profonde laissée par les griffes d’un des loups.

La terre se nourrissait lentement du sang des cadavres, le marron de la boue virait lentement au pourpre. Lexa resta au sol un moment, le temps de s’excuser. Même si les excuses ne servaient à rien une fois mort. Anya croisa les bras en la regardant se relever, hésitant à récupérer son couteau ou à continuer à faire la morale à son jeune second. Juste pour être sûre que Lexa comprenait bien quelles conséquences auraient pu avoir ses actes, à quel point c’était stupide et irréfléchi, qu’il n’y aura pas toujours quelqu’un pour lui sauver les miches, qu’elle s’était, une fois de plus, laissée guider par son cœur, c’aurait pu être la fois de trop. Un jour, ce sera la fois de trop, un jour elle combattra seule, sans personne pour l’épauler, pour assurer ses arrières. Ce jour là si elle ne savait pas faire les sacrifices nécessaires… Il ne valait mieux pas y penser.

Blessée ? Oh. Anya regarda son bras. Juste une égratignure. Rien de grave. Vraiment. L’adrénaline du combat commençait à peine à se dissiper, la douleur prenait lentement ses quartiers, restant supportable. Le mentor observa Lexa faire, la laissant nettoyer les contours de la plaie et tenter d’arrêter l’hémorragie. Mais Anya n’avait pas pour habitude qu’on s’occupe de ses blessures, si ce n’était que des sutures ou un bandage à faire, elle pouvait gérer seule, comme d’habitude. Alors elle repoussa doucement mais fermement son second, gardant la compresse de fortune en place d’une main.

« Juste une égratignure, ca va cicatriser tout seul. Occupe toi du snacha, que tu n’ai pas risqué ta vie pour lui pour rien. »

Anya récupéra son couteau, l’essuyant rapidement sur son pantalon. Il fallait vraiment rejoindre les grottes. Même si elles n’étaient pas loin plus tôt sera le mieux. Anya fit signe à son second de la suivre et prit la direction des grottes sans un mot. Oui elle lui en voulait toujours un peu, elle tenait à cette gosse bordel. Dans la grotte Anya essaya d’allumer un feu, avec le bois ramassé la veille. Mais elle dut vite abandonner, sentant son bras blessé la lâcher lâchement. Elle dut s’assoir pour souffler un peu, la douleur commençant à irradier l’ensemble du bras, la faisant serrer des dents.

Souvent les mots se révélaient futiles, servant seulement à combler le silence, parfois par crainte qu’une gêne s’installe, ou tout simplement par peur de l’absence de bruit. Mais ce mentor et ce second n’avaient pas besoin de mots pour se comprendre, des gestes suffisaient amplement, valaient la plupart des phrases. Lexa n’attendit donc pas pour allumer un feu, ne se fit pas prier pour prendre la relève. La lumière dissipa les ombres naissantes, réchauffa les corps engourdis et épuisés par une longue journée de marche. Mais il restait une ombre au tableau. L’ambiance n’était pas détendue, une crainte non avouée, qui ne le serait jamais, un mécontentement pesaient encore. Appuyée contre la roche Anya ne parvenait pas à pardonner à Lexa ce moment de frayeur. Elle s’était attachée à son second et avait réellement craint qu’elle périsse sous les crocs du loup. Une crainte qu’elle ne devrait, normalement, pas ressentir. La peur était une arme à double tranchant, dangereuse et imprévisible, une bête qui fallait garder le plus sous contrôle. Les guerriers ne pouvaient la laisser prendre le dessus, encore moins en combat. Avoir peur c’était déjà avoir un pied dans le bûcher funéraire.

La douleur pulsait, parcourait le bras, se lovait tel un serpent autour de la plaie. Anya délaissa la compresse pour l’observer et retint un juron. Il fallait recoudre, un simple bandage ne suffirait pas. Cela prit du temps mais elle y arriva, en se concentrant sur la chaleur du feu, en se repassant en boucle sa première rencontre avec Esteban. Anya ne montra rien de sa douleur à son second, seulement une mâchoire crispée, elle ne pouvait se permettre de montrer un signe de faiblesse. La dernière suture fut faite. Lexa caressait doucement le snacha, mais semblait avoir oublié que le petit animal était blessé. Pourtant c’était la principale et unique raison de sa présence.

"Tu ne le soignes pas ?"

Anya resta quelques secondes à fixer le feu. Lexa devait apprendre de ses erreurs, mais elle avait besoin de son mentor pour l’y aider.

"Qu’est ce que tu aurais pu faire d’autre pour sauver le snacha du loup ?"

Les sutures tiraient, la douleur ne s’estompait pas, continuait de faire son nid, peu décidée pour l’instant à migrer hors du corps, très loin. Le regard perdu dans les flammes un bref instant, une rapide évasion, juste quelques secondes à penser à autre chose, à juste se concentrer sur la danse du feu sur et autour des bûches. Anya écouta attentivement la deuxième réponse de Lexa. Un raisonnement intéressant. Dommage qu’elle ne l’ait pas mis en pratique, sur le champ de bataille c’était surtout une question d’instinct, de réflexes acquis en entrainement. On ne demandait pas, pour prendre le temps de réfléchir, à l’ennemi de s’arrêter de combattre. Il fallait agir, être prêt à tout instant, ne pas se laisser dérouter même une microseconde. Sinon…sinon se retrouver avec une épée dans le ventre arrivait bien trop facilement.

"Pas mal. Même si, contre un loup et, vu l’état d’épuisement dans lequel tu étais, tu n’aurais pas tenu très longtemps. Mais tu aurais eu déjà eu plus de chances de survie qu’en te jetant sur le snacha, en priant pour une intervention divine."

Anya regarda Lexa commencer à soigner le petit snacha et hésita avant d’intervenir. En le maintenant ainsi elle risquait surtout de lui faire mal ou de se faire mal. Et s’il continuait de se débattre elle n’arriverait pas à le soigner correctement. Alors Anya se leva et s’agenouilla à l’opposé de Lexa. Elle posa ses deux mains doucement mais fermement sur le petit animal. Elle lui murmura quelques mots en Trigedasleng, en le caressant doucement. Le snacha se calma progressivement.

"Avec un humain ce sera plus facile, ils comprennent que tu ne veux que leur bien."

Tentait elle de détendre l’atmosphère ? Peut être. Après tout l’acte de Lexa avait été stupide et irréfléchi, mais elle s’était retrouvée face à plusieurs loups après une journée épuisante. N’importe qui aurait paniqué et agit de manière débile. Lexa n’était pas seule responsable.

Les animaux n’étaient pas compliqués à comprendre, c’était des humains dans une version plus simple. Manger, dormir, être en sécurité…cela leur suffisait, ils s’en contentaient. Les humains devaient, en plus, faire face à leurs états d’âme, à la jalousie de leurs pairs, et à toutes ces choses complexes qu’ils doivent affronter chaque jour que Dieu fait. Il était donc tellement plus facile de rassurer un animal : quelques mots sans agressivité transparaissant, des gestes doux… Le tour était joué. Anya ne put ignorer le regard admiratif de Lexa et se retint de hausser les épaules. Elle n’avait rien fait d’exceptionnel. Elle lui permettait seulement de le soigner dans de meilleures conditions. Même si pour cela elle avait dû laisser son côté dur de côté pour un bref moment, laisser paraitre sa façade plus douce. Celle qu’elle permettait à peu de gens de la voir. En réalité il n’était peut être que deux à l’avoir vu. Et sur les deux un n’était plus de ce monde. Parfois Anya se le permettait avec Lexa, ayant conscience que la petite avait besoin d’un peu de chaleur humaine. Les gosses peuvent s’habituer à beaucoup de choses, plus facilement qu’un adulte parfois, mais la perte de tous ses proches restait une épreuve dont certains ne se remettaient jamais. Ce ne serait pas le cas de Lexa. Anya s’en assurerait, elle tenait trop à la petite pour la laisser tomber. Au bord des plus noires abysses Anya serait toujours là pour retenir Lexa. Otaim Toujours

Le snacha finit d’être soigné dans une ambiance moins tendue, presque apaisée. Le mentor ne trouva rien à redire aux agissements de son second, et s’assura seulement que le snacha ne recommençait pas à s’agiter. Anya lâcha doucement le snacha et le laissa définitivement aux bons soins de Lexa. L’animal et la petite humaine avaient tous deux besoin de sommeil, ça se voyait dans le moindre de leurs gestes. Anya acquiesça doucement face au remerciement, le fantôme d’un sourire sur les lèvres, et se releva. Lexa lui répétait parfois un peu trop souvent, cela aurait pu l’agacer. Mais elle lui faisait déjà assez de sermons et de leçons comme ça.

Peut être était ce l’ambiance plus détendue et, en partie grâce au feu, chaleureuse, mais Anya se permit juste un dernier moment doux. Elle se baissa, déposa un rapide baiser sur le front de Lexa et lui tapa affectueusement le bras.

"Va te reposer maintenant. T’as bien mérité un peu de repos."

Anya retourna s’assoir contre le mur et son regard se perdit à nouveau dans les flammes et le passé.

Le couteau taillait, lentement mais sûrement, corrigeait, effaçait les imperfections, transformait le bois. Pour une fois il n’était pas entaché de sang mais de copeaux et de sciure. A la lueur des flammes la future petite sculpture se couvrait d’ombres, semblait se mouvoir. Sur sa paillasse de fortune Lexa semblait dormir paisiblement, la fatigue avait, peut être, eu raison de ses cauchemars habituels. Ou alors était-ce la présence du snacha qui la rassurait, l’apaisait ? Seule elle pourrait le dire. Anya donna un dernier coup sur la petite sculpture, et l’observa sous tous les angles. Ce n’était pas parfait, pas du grand art, mais cela irait. Anya la posa à ses côtés et ferma les yeux quelques secondes. Demain elles rentreraient au village…avec le snacha. Il n’était pas rétabli et il lui faudrait peut être deux, trois jours, pour être à nouveau sur pattes. Après il retournerait dans la nature, retrouverait ses copains, referait sa vie. Lexa devrait lui faire ses adieux. En espérant qu’elle ne s’y soit pas trop attachée. Ce qui était perdu d’avance. Elle avait la sale manie de s’attacher émotionnellement à tout le monde, tout le temps. Alors un petit animal mignon… Avec un peu de chance elle s’en remettrait rapidement. Peut être…. Anya jeta un regard sur le côté. Le petit objet en bois l’aiderait peut être. Il faudra voir demain. Demain était un autre jour.

Le noir de la nuit laissait place à la grisaille du petit matin. Le feu ne brûlait plus depuis longtemps. Anya se leva. Il était temps de prendre le chemin du retour.

"Lexa ! Debout ! Bouge tes fesses, mange un bout, on repart !"

Anya commença à regrouper leurs affaires et à les ranger. Rapidement. Efficacement. Comme d’habitude. Elle ne prit pas garde et laissa le petit objet en bois près des restes du feu de camp. Elle l’avait un peu oublié à vrai dire. La nuit avait été courte, elle avait peu dormi. Des loups pouvaient encore rôder près des grottes, il valait mieux être prudent et garder un œil ouvert.

Avec un peu de chance aucuns prédateurs ne les ennuieraient. Pas d’odeur de sang pour les attirer cette fois. Le snacha semblait avoir repris du poil de la bête. Tant mieux, il se rétablirait, peut être, plus rapidement que prévu. Lexa ne tarda pas et, comme demandé, bougea rapidement ses fesses, n’oubliant évidemment pas de nourrir le petit animal au passage. Anya vérifia rapidement ses sutures avant de récupérer ses armes et se diriger vers la sortie. Le village était à quelques heures de marche, autant ne pas trainer. En plus elle était pressée de vérifier que Rakal n’avait pas fait de bêtises. Ce n’était pas son genre mais sait on jamais. Un premier pas en dehors de la grotte fut fait, suivie d’un second. Mais une voix hésitante interrompit son avancée. Un grognement de mécontentement fut, difficilement, retenu. Un autre animal blessé ? Avec Lexa autant s’attendre à tout. Suffisait de se rappeler sa tentative de sacrifice. N’importe quel autre jeune aurait laissé le snacha se faire dévorer, ou du moins ne se serait pas précipité pour tenter de le sauver. Anya se retourna et accorda toute son attention à son jeune second. La question la prit un peu au dépourvu et elle regarda le bout de bois taillé sans trop savoir quoi répondre. Comment avait elle pu oublier… Lexa risquait de se faire des idées. Anya ne pensait pas lui offrir tout de suite. Tant pis. Il fallait assumer. Toujours. Un guerrier ne fuyait pas après tout.

"Oui…euh… Tu sais que tu vas ne pas pouvoir garder le snacha indéfiniment. Quand il sera guéri il retournera dans la nature. Du coup… t’as quand même risqué ta vie pour lui donc… même si c’était stupide c’était en partie courageux…."

Anya chercha ses mots, n’ayant pas pour habitude des faire des cadeaux. Ce n’était pas arrivé depuis une dizaine d’années au moins. Mais si cela pouvait aider son second à ne pas trop souffrir de la future séparation alors… Elle pouvait bien lui en faire un.

"Elle est pour toi. La sculpture. Enfin si tu n’en veux pas c’est pas grave hein…"

Sculpter n’était pas un don, mais un douloureux rappel. Rappel de ce qui suivait en général. Témoignage des heures passées à attendre le combat. Lente attente douloureusement stressante, où l’esprit se perdait dans de tortueuses hypothèses : « et si l’ennemi en face était plus fort… et si ils étaient plus nombreux… et si… » C’est là qu’intervenait la sculpture. Pouvoir se concentrer sur autre chose, s’occuper les mains et l’esprit pour un temps, se détendre un peu, si c’était possible. Anya ne savait quand elle avait commencé ce rituel, tailler quelque chose, n’importe quoi, dans le bois avant de combattre. C’était une astuce qui circulait dans les rangs à une époque, peut être diffusé par un chef de guerre qui ne voulait pas des guerriers stressés et prêts, pour les moins expérimentés, à se pisser dessus. Peut être qu’Anya filerait cette astuce à Lexa un jour, la petite en aurait peut être besoin. Si elle n’arrivait pas à s’endurcir c’était même certain. Mais Lexa y arriverait. Elle le devait.

Superbe peut être pas… Aux yeux d’un expert, correct tout au plus. Mais Lexa n’y connaissait pas grand-chose alors forcément… Le sourire qui s’afficha sur les lèvres de la jeune seconde, faillit faire sourire la mentor. C’était le genre de sourire contagieux, si sincère qu’on voulait le partager, si typique de l’innocence des enfants. Les mots qui suivirent également. Seul un enfant pouvait dire une chose pareille. Les adultes savaient que ce serait presque impossible. Il pouvait arriver tellement de choses, on n’était même pas sûre d’être encore en vie le lendemain. Mais que Lexa semble voir le cadeau comme un véritable trésor, fit plaisir à Anya. Il n’y eut pas besoin de remerciement, tout indiquait en Lexa qu’elle remerciait silencieusement son mentor. La jeune second reprit le chemin d’un pas joyeux, Anya la suivit rapidement. Elles reprirent donc le chemin vers le village. Un petit compagnon à fourrure en plus.