Clarke ♠ Énervé la princesse est un drôle de jeu

Deux jours. Deux jours sur Terre et l'anarchie avait déjà pris possession du camp. Clarke avait proposé une excursion au Mont Weather. Un groupe allait partir le lendemain, mais beaucoup étaient réticents à participer aux recherches de vivres. Les délinquants préféraient gambader dans la forêt, retrouver la pureté de la liberté juvénile. Clarke ne savait pas quoi faire pour les raisonner. Ils n'en faisaient qu'à leur tête, mais cela ne durera pas. Bientôt, ils rencontreront bon nombre de dangers et, lorsqu'ils se blesseront et tomberont malades, devront revenir vers Clarke pour se faire soigner. Elle seule avait suffisamment de connaissances médicales pour sauver une vie d'une intoxication ou d'un arrêt cardiaque. Et encore, elle était loin d'être médecin...
Elle se tenait là, à regarder les délinquants grouiller. Elle cherchait une chose à faire, une chose utile, qui pourrait rallier les adolescents pour bâtir tous ensemble une communauté. Mais cela, les Cent étaient bien loin de l'être. Ils n'avaient pas encore traversé toutes les épreuves qui allaient les rapprocher. Cela viendra. Clarke savait que la vie sur Terre s'avérerait de plus en plus difficile. Il n'était que question de temps avant que les délinquants deviennent solidaires.

Clarke n'eut pas le temps de trouver une occupation qu'une occupation la trouva. Finn. Le jeune homme s'était tout de suite montré un peu trop avenant envers elle, et Clarke n'avait pas encore décidé si elle appréciait ou non le garçon. Les commentaires de ce dernier ne l'aidèrent pas à se décider tout de suite. Il se moquait d'elle.
- Ils ne sont pas mes amis, renchérit-elle. Elle n'avait pas envie de plaisanter maintenant. Elle faisait son possible pour trouver une solution de survie pour tout le monde, mais ce tout le monde ne montrait pas de réelle motivation. Apparemment, chacun avait sa petite occupation aussi importante que de compter le nombre de rayures sur le t-shirt de cette fille qui riait aux éclats à l'autre bout du camp. Le rire s'entendait jusqu'ici, ce qui eut pour effet d'agacer d'autant plus Clarke. Pourtant, malgré cet agacement qui ne signifiait rien de bon, le garçon enchaîna. Un compliment. Un compliment ? Clarke n'y croyait pas : Finn était-il téméraire au point de continuer son flirt alors qu'elle avait certainement l'air de vouloir tuer quelqu'un ? Elle n'avait pas la réputation d'une personne douce, Finn aurait dû se méfier, mais apparemment il se fichait bien des rumeurs. Clarke lui laisserait le bénéfice du doute si elle était d'humeur à jouer, mais c'était loin d'être le cas.
- Si tu veux un joli paysage à observer, tu n'as qu'à aller regarder la forêt.
Direct et coupant. Clarke n'était pas du genre à tourner autour du pot.

Lequel des deux ? Car elle devait avoir une raison précise d'être agacée ? Finn n'avait qu'à regarder autour de lui : la situation elle-même avait de quoi mettre sur les nerfs la plus calme des personnes rationnelles. Evidemment, lui ne s'inquiétait pas, il ne semblait pas faire partie de ce groupe de rationnels auquel Clarke pensait. Elle n'avait pas envie de se lancer dans de longues explications sur ses problèmes. Ces derniers n'étaient pas seulement les siens, mais ceux de tout le monde. Finn les connaissait. Il fallait être aveugle pour ne pas les voir. Alors, il pouvait comprendre. Il ne s'agissait pas seulement de Bellamy, qui tapait tout de même sur les nerfs de Clarke à force de vouloir pousser les Cent à suivre des règles qui les mèneraient tous au bord du gouffre, ni seulement de Wells, dont la présence irritait profondément Clarke, mais de la situation générale. Les autres la prenaient beaucoup trop à la légère. Clarke craignait pour leurs vies, et c'était bien pour ça qu'elle regrettait de n'être pas née égoïste. Elle avait grandi avec cette empathie dans le cœur qui la poussait toujours à agir pour le bien des autres. Or, on ne pouvait sauver tout le monde. Clarke l'avait déjà compris quand les premiers délinquants étaient morts dans le crash. A cause de Finn. Qui allait lui aussi lui taper sur les nerfs s'il insistait.
- Un nouvel ennemi secret ? Qui sait, assena-t-elle en offrant au jeune homme un regard lourd de sens.
Dire que Clarke était compliquée était un euphémisme. Elle n'appréciait pas le manque de sérieux dans les situations périlleuses. La détente était encore une notion à lui inculquer. Il fallait dire que Clarke n'avait pas connu la joie et la bienveillance depuis plus d'un an. L'exécution de son père l'avait plongée dans un monde sombre et mesquin dans lequel Clarke ne ressentait plus aucune envie de plaisanter. Pourtant, Finn sembla se porter volontaire pour lui faire reprendre goût au divertissement. Clarke faillit se porter une main au visage pour vérifier qu'elle n'avait aucune moue boudeuse d'aucune sorte. Elle en fut presque vexée de s'être presque faite piégée. Finn enchaîna avec une question plus sérieuse qui l'empêcha de l'envoyer promener par frustration.

La peur de l'inconnu, voilà une notion que Clarke n'avait pas eu le temps d'imaginer avant d'être envoyée sur Terre. Comment aurait-elle été si elle avait eu peur de se retrouver dans un endroit nouveau, peut-être hostile, avec un futur incertain ? Clarke ne s'était pas posée la question car son futur avait été écrit depuis son plus jeune âge. Elle avait été censée grandir, réussir à l'école, apprendre la médecine, devenir chirurgienne comme sa mère, se marier, avoir un enfant, et terminer sa vie sur l'Arche. Cela lui avait semblé logique, à elle comme à ses parents. Mais son père était mort. Et elle avait été enfermée. A partir de là, le futur de Clarke avait pointé vers l'extérieur de l'Arche, mais non vers la Terre, plutôt vers le néant spatial. Clarke avait été convaincue qu'elle allait mourir à ses dix-huit ans. Cette idée-là lui avait glacé le sang pendant un an. Alors, maintenant qu'elle était sur Terre, elle ne savait plus quoi penser de l'avenir. Elle vivait au jour le jour, en espérant survivre jusqu'au lendemain. Mais la Terre était si imprévisible que même son esprit logique ne pouvait tout prévoir.
- Ce n'est pas l'inconnu que je crains, mais la réaction des autres face à lui, dit-elle sérieusement.
L'unité qu'elle souhaitait voir chez les délinquants était loin d'être. Pour l'instant, il était impossible de contrôler l'engouement des Cent face au nouveau territoire qui s'offrait à eux. Les jeunes venaient à peine de retrouver leur liberté, ils ne se rendaient pas compte que, sans limites, cette liberté serait vite coupée court par la mort.

Faire descendre la pression. C'était donc l'excuse de Finn pour être venue se moquer allègrement de Clarke La jeune femme lui avait accordé le bénéfice du doute, mais elle devait admettre qu'elle ne savait plus quoi penser de lui. Depuis l'atterrissage, Finn passait du joueur au sérieux toutes les trente secondes, ce qui avait tendance à surprendre Clarke. Elle n'avait pas le temps de réfléchir au comportement du jeune homme, mais elle ne pouvait s'empêcher de réfléchir à tout, alors Finn restait l'un des sujets de sa pensée. Elle ne pouvait dire déprécier le garçon, mais elle avait déjà donné sa confiance trop facilement, elle ne voulait pas commettre la même erreur aujourd'hui. Et puis, encore une fois, elle avait des choses plus importantes à faire, comme permettre la survie d'un plus grand nombre de personnes. Elle n'avait pas le temps pour s'amuser avec les autres.

Ce que lui dit Finn faillit la faire sortir de ses gonds. Ce n'est pas parce qu'elle ne pouvait sauver tout le monde qu'elle ne pouvait essayer d'en aider au maximum. Que lui proposait-il de faire ? S'asseoir et attendre que ça se passe ? Que les délinquants meurent les uns après les autres ? Ça lui était impossible. Clarke n'avait jamais pu laisser quelqu'un sans assistance. Elle avait toujours voulu aider. Elle était fille de médecin, elle-même apprentie du métier. Aider les autres était l'essence même de sa personnalité.
- Je ne vais pas rester à rien faire pendant que les autres meurent chacun leur tour. On peut s'en sortir ici, mais pas en faisant n'importe quoi.
Elle préférerait évidemment aller s'amuser elle aussi dans la forêt, découvrir ce nouveau lieu dont elle avait tant rêvé, mais ça lui était impossible. Pendant un an, dans sa cellule, elle avait cru qu'il ne lui restait que quelques mois à vivre. Mais aujourd'hui, elle avait une chance de survivre et d'aider son peuple. L'Arche mourait. Si les Cent survivaient en bas, l'Arche pourrait descendre. La population de l'Arche survivrait et le père de Clarke ne serait pas mort pour rien. Clarke soupira, attrapant son poignet portant la montre de Jake de son autre main. Il lui manquait terriblement. Son cœur se serra au souvenir de l'exécution de l'homme. Clarke ne pouvait se résoudre à tout abandonner. Elle aurait l'impression de trahir son père.
- Je sais que tu veux m'aider Finn... c'est gentil de ta part, mais j'ai bien peur que tu ne puisses rien faire. Ce n'est pas moi qu'il faut sauver.
Pour l'instant, tout ce qui importait Clarke était de sauver la population de l'Arche à qui on avait menti. Et cela en faisant en sorte que les délinquants survivent sur Terre.

Clarke ne savait plus quoi répondre. Finn lui conseillait de prendre une pause, mais si tout le monde ici se reposait, ils ne tiendraient pas longtemps. Le camp s'écroulerait, ils mourraient dans de terribles conditions et l'Arche ne descendrait jamais. Comment Finn pouvait-il lui conseiller cela ? Ne pouvait-il pas l'aider à trouver une solution au lieu de lui dire de tout arrêter ? Clarke soupira. Ça ne servait à rien de continuer à argumenter. Finn ne changerait pas d'avis, il le disait lui-même. Finn prétendait avoir la solution pour vivre paisiblement. Clarke ne le croyait évidemment pas, pour elle le repos était le travail. Elle avait toujours fait des efforts pour réussir au mieux et elle trouvait dans le travail une sorte de réconfort. Le temps qu'elle avait passé à l'hôpital lui avait été nécessaire. Ce n'était pas facile d'avoir une vie entre ses mains, mais Clarke aimait se montrer utile, aider les autres. Et quand elle n'était pas à l'hôpital, elle dessinait. Elle laissait ses souvenirs, ses rêves, s'ancrer sur le papier, et plus tard, sur le sol de sa cellule. Clarke s'occupait toujours. Ne rien faire lui était impossible. Encore moins dans les situations comme celle-ci.

Mais elle l'envisagea. Elle envisagea de faire une pause pour prouver à Finn que s'arrêter était néfaste. Il n'y avait rien d'utile à se reposer car Clarke ne serait pas tranquille tant qu'une solution efficace n'aurait pas été apportée.
- Très bien. Prenons une pause.
Elle allait lui prouver qu'il avait tort et ce par la pratique. Clarke était une femme d'action, non ? Elle savait argumenter, mais elle savait aussi agir. Dans quelques minutes, elle aurait prouvé que les petites pauses ne servent à rien et Finn devrait bien l'aider à organiser le camp. Les autres les écouteraient peut-être s'ils étaient deux. Quant au problème Bellamy... eh bien, Clarke irait lui dire ce qu'elle pense et, le secret gardé par le conseil craché, le jeune homme changera peut-être d'avis sur ses méthodes. Des centaines d'innocents étaient en danger de mort là-haut car l'Arche n'était plus en état de les conserver en vie. Ces centaines de personnes que le conseil jugeait inutiles avaient le droit à une seconde chance. Les délinquants en avaient bien une ici. Ils avaient été envoyés sur Terre pour mourir, mais ils survivaient, c'était l'occasion pour eux d'utiliser leur victoire pour construire une nouvelle civilisation. Mais ça ne fonctionnerait pas s'ils ne pouvaient même pas s'entendre.
Clarke commença à s'éloigner. Elle s'apprêtait à sortir des limites du camp pour aller quelques temps dans la forêt. Tu viens ? lança-t-elle en direction de Finn. Clarke était encore convaincue qu'elle avait raison. Cette pause ne lui apporterait rien qu'une perte de temps. Mais elle aurait toujours pris soin de montrer à Finn que l'amusement n'avait pas sa place ici.

Et maintenant, elle marchait trop vite ? Combien de remarques Finn allait-il encore lui faire ? Clarke était bornée et suivait toujours sa raison. Elle n'aimait pas qu'on lui dise ce qu'elle devait faire, encore moins que l'on commente sa façon de faire les choses. Elle faisait toujours pour le mieux, et elle était bien une des seules dans le camp à essayer de faire quelque chose pour améliorer la vie des délinquants. Finn pensait avoir gagné un quelconque jeu, et Clarke se retint de lui hurler que tout ceci n'avait rien d'un jeu, qu'il était question de survie et de mort. Mais cela, peu de personnes semblaient le comprendre ici.
Elle continua de marcher un moment, sachant Finn sur ses talons, et ne s'arrêta que lorsque les bruits du camp devinrent inaudibles. Elle n'avait aucune idée de quoi faire maintenant qu'elle était ici. Sur l'Arche, ç'avait été simple. Elle avait grandi avec une idée définie de son futur. Apprendre, devenir médecin, se marier, avoir un enfant. Avoir une vie simple. Clarke se demanda si elle n'avait pas attendu cette vie avec impatience. La vérité ? Elle ne s'était jamais posé la question auparavant puisqu'elle n'en avait jamais eu la possibilité. Sa vie avait été écrite dès sa naissance. Aujourd'hui, elle n'était plus qu'une page blanche déchirée du livre de l'Arche.

Elle soupira, ses pieds ancrés dans le sol la soutenant avec lassitude. Elle n'aimait pas les pauses. Elles étaient comme des arrêts dans le temps. Elles vous laissaient le temps de penser à toutes les choses qui vous faisaient mal. Clarke n'aimait pas s'arrêter, s'asseoir simplement et laisser ses démons remonter à la surface, prendre possession de son corps.
- Si je m’assois, j'ai peur de ne jamais me relever, souffla-t-elle sans réaliser qu'elle venait de dire ça à quelqu'un qu'elle connaissait à peine.
Elle détestait s'ouvrir aux autres. Elle ne voulait pas être perçus comme faible. Elle était une fille, à peine majeure, et n'était pas forcément appréciée au sein des délinquants à cause de son statut sur l'Arche. Pourtant, elle n'avait eu aucun privilège quant à son emprisonnement et son envoi ici. Comme eux, elle était délaissée sur Terre. Elle voulait juste les aider. Elle ne saurait se changer intérieurement pour leur plaire et ainsi être écoutée. Elle avait déjà peur de se préoccuper d'elle-même. Clarke faisait souvent preuve de courage, mais ce courage cachait toujours une immense peur de l'échec.

Elle céda. Elle laissa ses genoux se plier sous les mots de Finn et elle se retrouva assise dans la terre parsemée de brins d'herbe et de petites fleurs. Sa poitrine sembla se libérer d'un énorme poids. Elle n'avait pas pris plus de quelques secondes pour admirer ce nouveau monde avant de porter les responsabilités de tous les délinquants. La vie était si fragile que Clarke avait peur de la voir se briser à tout moment, pour chacun des Cent. Elle n'était pas très appréciée au camp, mais elle faisait de son mieux pour aider les autres. Pour les sauver. Peut-être qu'elle aurait dû tout lâcher plus tôt. Les laisser réfléchir, trouver les solutions eux-mêmes, travailler. Mais ils ne faisaient que s'amuser, comment pouvait-elle les laisser ainsi gâcher leur chance de survie ? Elle avait l'impression de tous les avoir à sa charge. C'était peut-être la mort de son père qui lui avait amené cette culpabilité. Elle voulait tous les sauver et ne se sentait pas bien si elle n'en était pas apte car elle se sentait responsable d'eux. Le mensonge du Conseil pouvait condamner tant de personnes, les Cent en faisant parti, que Clarke s'en voulait de ne pas avoir divulgué le secret de son père au plus vite. Mais son père avait été arrêté alors qu'elle venait à peine d'apprendre le secret ! Comment aurait-elle pu faire ? Et puis, elle était si jeune... elle l'était il y a un an, elle l'était encore aujourd'hui. Si jeune et déjà consumée par l'anxiété et l'amertume.

- Je préférerais rester là, tu sais, admit-elle, le regard perdu entre les arbres.
C'était bien plus calme ici. L'air était riche en odeurs, et Clarke prit le temps de les distinguer. L'odeur crue de la terre humide, les odeurs douces des fleurs, l'odeur rugueuse des troncs des arbres... tant de choses que Clarke n'avait pas pris le temps de remarquer, d'apprécier. Elle aurait dû s'arrêter bien avant et observer le monde autour d'elle avec intérêt, en prenant tout le temps nécessaire pour explorer chaque détail de ces nouveaux lieux. Maintenant qu'elle y pensait, Clarke se dit qu'elle avait rêvé plus de détails de la terre lorsqu'elle dormait sur l'Arche qu'elle n'avait pris le temps d'en voir sur Terre. Elle se laissait emporter par la peur de voir les siens mourir. Elle ne profitait pas du paysage magnifique et étonnant qui l'entourait. Et si elle mourait demain, si elle échouait dans sa mission de sauver tout le monde, elle n'emporterait pas avec elle les souvenirs de la Terre. Elle ne se souviendrait pas de la sensation de la terre entre ses doigts, de l'odeur des feuilles mortes qui glissaient dans l'air dans un léger sifflement, mais pas seulement. Une autre chose lui avait échappé. Elle pensait ne pas être très appréciée au camp, mais elle n'essayait pas de se faire des amis. Elle ne pensait qu'à survivre. Elle avait vu en Finn des bras et des jambes pour l'aider dans ses quêtes, et quelques minutes plus tôt le garçon n'était qu'un fardeau l'empêchant d'accomplir son devoir. Que penserait-elle dans ses derniers instants de vie ? L'image de Finn filerait devant ses yeux et elle ne pourra rien dire de lui puisqu'elle n'aurait pas appris à le connaître. Elle n'aurait pas de moment spécial avec lui à se remémorer. Elle n'aurait rien pour la faire sourire une dernière fois. Pourtant, ça ne lui déplairait pas. Un moment spécial avec lui. Peut-être était-elle en train de le vivre. Seuls, dans un coin de forêt, sans rien à se préoccuper, pour un instant personnel. Cela parut étrange à Clarke. Elle avait oublié un simple fait, une action pourtant banale : passer un moment avec quelqu'un sans raison particulière.
- Merci, souffla-t-elle. Cette pause lui apprenait bien plus que le faisaient des minutes anxieuses. Tu devrais t'asseoir aussi, ajouta-t-elle, désignant la place à côté d'elle.
Juste un moment. C'était ça dont elle avait besoin. Et sans les tracas qui la tiraillaient au camp, elle ne pouvait nier apprécier la compagnie de Finn. Après tout, il était parvenue à la faire se détendre avec seulement quelques mots.

Evidemment que Clarke allait y retourner, elle n'avait pas d'autre choix, si ? Le camp l'attendait malgré tout. Elle pouvait le faire disparaître de sa vue un moment, mais les responsabilités pesaient encore sur ses épaules. Pour l'instant, elle était installée confortablement sur le sol, la Terre, qu'elle n'avait pas encore pris le temps d'explorer. Elle profitait de l'instant, sans jamais oublier le fait que ce moment prendrait fin prochainement. La remarque de Finn sur le fait de prendre soin les uns des autres la fit pousser un soupir désespéré.
- C'est ce que j'essaie de faire... souffla-t-elle. J'essaie de prendre soin de tous.
Et la tâche ne s'annonçait pas facile. Les autres ne l'écoutaient même pas !... pour la plupart. Certains, quelques uns, comme Finn, prenaient le temps de l'écouter. Ils lui laissaient au moins la liberté d'expression. Tandis que d'autres préféraient écouter Bellamy et se mettre en danger inutilement. Elle laissa cette pensée de côté pour écouter les souvenirs de Finn. Elle aussi, elle avait imaginé la Terre des milliers de fois. Elle l'avait imaginée magnifique, mais jamais à un tel point. La réalité dépassait tous les rêves. Mais les rêves étaient bien moins cruels que la réalité. Clarke savait que la vie s'annonçait difficile sur Terre, mais de là à ce que des vies se perdent si rapidement... sans qu'elle ne puisse rien faire... cela s'approchait plutôt du cauchemar.

Elle se surprit à sourire à la remarque de Finn. Les blagues étaient plus rassurantes que les cauchemars. Dans un autre contexte, Clarke n'aurait pas apprécié cette blague. Mais cette parcelle de forêt était calme, et les petits sons des oiseaux apaisants. Finn n'était pas non plus méchant, Clarke se surprenait même à apprécier sa compagnie. Comme quoi, cette pause n'était pas si mal en fin de compte. Elle observa la forêt vivre, entre les arbres, les feuilles, les milliers de petits organismes qui grouillaient sous leurs pieds. Pour des gens habitués à poser leurs pieds sur des plaques de métal, cet endroit était un changement conséquent, mais pas déplaisant. Clarke se laissa tomber en arrière jusqu'à être entièrement allongée sur le sol. Elle laissa ses doigts s'enfoncer dans la Terre. Elle avait l'impression que le sol bougeait sous elle. Il était mou, la terre douce. Elle apercevait des morceaux de ciel bleu-gris entre les feuilles et les cimes des arbres.
- C'est magnifique... murmura-t-elle. Son sourire s'agrandit, elle était éblouie, et sa tête se vida de toutes les pensées néfastes qu'elle avait emporté avec elle depuis l'Arche. Vas-y, essaie, intima-t-elle à Finn. La sensation était géniale, et Clarke ne se voyait pas vivre cela toute seule. Elle voulait le partager avec quelqu'un, et il s'avérait que Finn n'était pas un si mauvais camarade de pause.

Peut-être que Finn avait raison : à force de vouloir sauver tout le monde, elle s'oubliait, mais devait-elle laisser tomber les autres pour autant ? Elle représentait une vie parmi la centaine de délinquants, et le nombre ne cessait de chuter mort après mort. Même si elle le voulait, elle ne pourrait pas les abandonner. C'était plus fort qu'elle, comme une attirance au danger, comme la force surnaturelle qui l'avait poussée à accepter la proposition de Finn aujourd'hui. Elle ne pouvait pas s'en empêcher. Et maintenant qu'elle était là, elle était partagée. Rentrer au camp ou rester encore un peu avec le garçon ? Elle ne pouvait pas dire qu'il n'était pas sympa... et puis, il était calme, ce qui, elle s'en rendait compte maintenant, avait tendance à l'apaiser. Elle allait peut-être rester encore un peu ici. Ce n'était clairement pas Finn qui allait l'en empêcher. D'ailleurs, Clarke se surprit à vouloir le garder ici en partie intégrante de ce décors somptueux. Sa main glissa dans la terre pour venir se glisser dans celle du jeune homme. Elle la saisit doucement, son intention n'étant pas de s'accrocher à lui mais plutôt de garder compte de sa présence puisque, regardant en haut, elle ne l'avait pas dans son champ de vision.

- Peut-être qu'on pourra faire une pause de temps à autre à l'avenir, murmura-t-elle. Car ces pauses, elle ne se voyait pas les faire seule. Elle les appréciait ainsi, et elle imaginait bien Finn la suivre pour ses prochaines pauses. Elle avait un agréable sentiment de paix qu'elle n'était pas encore prête à perdre. Elle se voyait rester là encore une ou deux dizaines de minutes, et ensuite retourner à son devoir. Le camp ne les attendrait pas éternellement, mais au moins ils auraient tous les deux eu un moment de sérénité, ce que Clarke pensait impossible jusqu'à maintenant. Elle tourna la tête une fois, ses lèvres s'étirant en un petit sourire détendu, et observa un instant le profil de Finn avant de remettre sa tête droite vers la cime des arbres. C'est en cet instant qu'elle redevint une simple adolescente. Et peut-être, elle pensait bien 'peut-être', le charme de Finn avait-il fait effet sur elle. Mais ça, c'était une histoire pour une autre pause. Pour l'instant, elle voulait juste apprécier le calme en compagnie du jeune homme.