Hidden Princess ft. Abby & Lluvia

Hidden Princess

J'en pouvais plus de rester enfermée. Papa me promettait toujours qu'il m'emmènerait dehors dès qu'il le pourrait. Ca faisait à peine une journée qu'on avait atterri sur Terre et j'étais probablement la seule personne de toute la navette à ne toujours pas l'avoir foulée. Le temps n'avait jamais passé aussi longtemps. J'avais l'impression d'être encore sur l'Arche, sauf que c'était mille fois pires. Je n'avais personne, je n'avais plus ma maman à laquelle je pensais constamment, mon papa n'avait que très peu de temps pour me voir, je n'avais plus d'école et plus d'amis. Je devais rester cloîtrée dans ma minuscule cachette. Papa était venu me voir, quelques fois, mais toujours très rapidement car son absence ne devait pas se faire remarquer. Il m'avait expliqué qu'ils étaient allés sauver des jeunes mais que malheureusement certains ont été attrapé par des méchants. Je n'avais pas compris. Il y avait des méchants sur Terre ? A quoi pouvaient-ils bien ressembler ? Etaient-ils des monstres ? Malheureusement, à l'instant où j'aurais aimé lui poser la question, il avait dû repartir. Alors toute la journée, je l'avais passée à m'imaginer ces monstres qui avaient capturés des notres, en cherchant également des raisons. Mon imagination fusait dans tous les sens, m'inventant des centaines d'histoires différentes, parce que je n'avais que ça à faire.
La seule fois où j'étais sortie seule de mon compartiment, j'étais tombée sur Emily. C'était très tôt le matin, quand Papa était parti secourir les autres. Je n'avais que très peu dormi cette nuit-là, alors j'avais rattrapé mon sommeil. Mais chaque seconde éveillée durait le double de temps qu'elle ne l'aurait dû. Je voulais voir cette terre promise, je voulais la découvrir de toute part. Ses arbres, ses lacs, ses montagnes. Son air, sa terre, son ciel. Ses étoiles, sa lune, ses galaxies. Je voulais tout en voir. C'était mon voeu le plus cher. Et pourtant, je devais attendre, seule. Sans Maman, sans Papa. Je n'avais que ma peluche pour compagnie. Même Emily avait dû partir. Je ne devais pas être là, je le savais, Papa m'avait expliqué que je n'avais pas eu le droit de venir avec lui. Mais il tenait tant à me faire découvrir cette terre dont je rêvais...

C'était décidé, j'allais sortir. Cloîtrée entre mes quatre petits murs, je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était. Je n'arrivais plus à dormir, incapable de trouver le sommeil et mon imagination à cours de nouvelles histoires aberrantes. Je collai alors mon oreille contre la paroi et jetai un regard dans les petits trous d'aération. J'attendis longtemps. Je voulais être certaine qu'il n'y ait personne dans le couloir. Tout le monde était de retour au camp, mais tout était étrangement calme à cet instant. Peut-être qu'il était tard et qu'ils dormaient ou peut-être juste qu'ils étaient tous très occupés. Dehors. Et moi, j'étais à l'intérieur, à me demander ce que je faisais vraiment là.
Les minutes s'égrainaient. Et après un temps qui me parut infini, je pris mon courage à deux mains et, serrant mon ours contre moi, glissai la paroi et sortis. Les longues manches de mon pantalon de pyjama gris tomba jusqu'à mes pieds nus. Le coeur battant, je refermai ma cachette avec précaution et commençai à courir dans les couloirs. J'avais besoin d'aventure, d'un peu d'adrénaline. Par contre, si Papa venait me voir pendant mon absence et qu'il ne me trouverait pas, j'allais vraiment me faire gronder...
Je lisais avec attention les écriteaux sur les portes, indiquant ce qu'il pouvait s'y trouver. La salle de stockage m'intéressa tout particulièrement. Je me demandais ce qu'ils pouvaient bien stocker. Serrant ma peluche contre moi, j'appuyai sur la poignée de l'autre main. Je fus surprise de ce que j'y trouvai. Des armes, énormément d'armes. Et plein de petites boîtes avec des mots que je n'arrivais même pas à lire dessus. Probablement des médicaments. La salle était vide, et alors que j'avais laissé la porte entrouverte, j'entendis des pas dans le couloir. Quelqu'un arrivait ! Je regardai dans tous les sens à la recherche d'une cachette. Peut-être que la personne passerait son chemin, c'était du moins ce que j'espérais. Par précaution, je me réfugiai dans un placard où il y avait juste une petite place pour moi. J'étais dans le noir complet, le seul mince filet de lumière était le minuscule espace entre les deux portes du placard. Ainsi, je pus observer ce qui se déroulait. Manque de chance, un monsieur venait d'entrer. Il allait bien finir par s'en aller, non ?

Alors j'attendis, recroquevillée dans mon petit espace, serrant Pilou-Pilou contre moi, espérant plus que tout que Papa ne s'aperçoive pas de ma fuite. L'homme un peu barbu vêtu de noir comptait les armes qui se trouvaient dans la salle. Il avait l'air très concentré mais au bout d'un moment, une femme entra. Il l'appella "Abby" et elle le définit comme "Kane". Kane ?! Je fus prise d'un sursaut, ébranlant malgré moi l'armoire métallique dans laquelle je m'étais cachée. La femme parut surprise. Elle m'avait entendu.
J'étais coincée, vraiment. La panique s'empara de moi, ils allaient venir, ils allaient ouvrir, ils allaient me découvrir. Mon petit coeur s'emballa, et je sentis les larmes me monter aux yeux. Papa m'avait bon nombre de fois parlé d'un prénommé Kane. Il faisait parti du conseil qui faisait disparaître les gens quand ils commettaient des bêtises. C'était un de ceux qui faisait régner les lois, lois que nous avions toujours respectées au doigt et à l'oeil, sauf aujourd'hui. Je commençai à avoir terriblement peur pour Papa et pour moi. Et même pour Maman. Je ne voulais pas qu'on me les enlève, et moi, je ne voulais pas mourir alors que je venais d'arriver sur Terre ! Terrorisée, je tremblais de partout et je sentis les larmes me gagner. C'était bien pire qu'une simple bêtise, cette envie irréprochable de sortir de ma cachette...

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Je regrettais tellement à cet instant de ne pas avoir écouté Papa. Si ça se trouve lui, il aurait pu tout arranger au mieux. Faire passer cela pour une erreur, ou que sais-je encore. Je n'avais aucune idée de ce qu'il aurait pu faire, mais certainement quelque chose de mieux que ce que j'étais en train de faire. Je ne pouvais plus bouger, tétanisée par la peur, mes seuls mouvements étaient mes tremblements telle une feuille sous le gré du vent. A cet instant-là, je n'avais aucune idée de ce que c'était qu'une feuille au gré du vent, mais c'était une belle image. D'ailleurs, j'étais en train de me dire en ce moment-même que peut-être que je ne verrai jamais la terre. Peut-être que Kane allait sévir, me grounder, me faire disparaître moi aussi, et qu'il ferait la même chose à Papa. Je fermais fort les yeux puis les rouvrais, espérant de tout coeur qu'il ne s'agisse que d'un mauvais rêve. Mais non.
Chaque pas que faisait Kane en ma direction sonnait comme un gong final, comme les douze coups de minuit et au douzième, tout serait terminé. Il avait même sorti un pistolet qu'il pointait en face du placard où je me cachais. J'avais si peur que je finis par fermer les yeux lorsque je vis qu'il n'était plus qu'à un petit mètre de moi. Je posai mon front contre les genoux, me cachant de l'horreur qu'il allait peut-être se dérouler sous mes petits yeux innocents. C'était horrible de penser ainsi, je le savais. Horrible de penser que Kane était un réel monstre prêt à tuer les enfants. Mais c'était l'image que j'en avais. Il faisait disparaître les gens, même ceux qui étaient aimés, mariés, parents, tous. Il s'en fichait de leurs vies, il se contentait de les punir pour leurs crimes. Alors moi, j'avais peur d'être punie moi aussi, pour le crime d'être venue sur Terre.

Alors, la port s'ouvrit. Resserrant un peu plus mes bras autour de mes genoux, j'étais une petite boule tremblante dans un coin du placard. J'attendais le coup de pistolet, mais tout resta silence. J'avais cependant trop peur pour essayer de regarder. Mais ce silence était trop intriguant. Peut-être que j'étais morte et que je n'avais pas senti la moindre douleur ? Pourtant, en redressant un petit peu ma tête pour découvrir ce qui se passait, je compris que j'étais bel et bien en vie. L'arme de Kane avait disparu, il était accroupi à ma hauteur et il me demanda d'une voix douce ce que je faisais ici. Puis, la femme qui l'avait suivi l'imita en se présentant. Un nouveau frisson me parcourut en entendant son nom. Griffin. Papa et Maman m'en avait parlé d'elle aussi. Elle faisait également partie du Conseil, tout comme Kane. Ils avaient beau prendre les voix les plus doucereuses du monde, rien que d'entendre leur nom continuait de me terrifier. J'osais à peine les regarder alors que mes joues étaient noyées sous mes larmes. Les sourires qu'ils arboraient ne me rassuraient pas le moins du monde. J'avais dans ma tête la vision de ces monstres qui faisaient du mal aux habitants de l'Arche. Et ils allaient faire la même chose à Papa et Maman, tout ça par ma faute.
Enfouissant à nouveau ma tête dans mes genoux, je protestai de ma petite voix qui se voulait forte et déterminée mais qui était en réalité brisée par les sanglots qui me serraient la gorge.
-Non ! Je ne dirai pas comment je m'appelle ! Car vous allez retrouver mes parents et leur faire du mal !
Je resserrai mon étreinte autour de mon ours en peluche. Mais j'avais beau le serrer aussi fort que je le voulais et le pouvais, il ne pourrait rien faire pour m'aider dans cette situation ô combien désastreuse...

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Je ne voulais rien leur dire. Je n'allais jamais leur dire mon prénom, ni mon nom, tant qu'ils ne me promettraient pas que mes parents étaient hors de danger. A quoi bon sinon ? Papa m'avait déjà maintes et maintes fois parlé de Kane et comme je l'avais compris, il devait être son supérieur ou quelque chose dans le genre. C'était obligé qu'il avait déjà entendu parlé d'un prénommé Rosewood avec une fille au prénom peu commun de Lluvia. Mais j'étais une enfant, et j'étais naïve. Je pensais que si j'évasais simplement mon identité, il ne me trouverait jamais. Je ne penserais pas qu'en répondant au fil de leurs questions, petits à petits, ils allaient dessiner un tableau dans leur tête et finirait par y ajouter eux-même la touche finale.
Pourtant, ils avaient presque l'air gentil. Tout deux prenaient des voix calmes et rassurantes, arboraient de timides sourires et s'inquiétaient pour moi, savoir si j'allais bien. Monsieur Kane me demanda même si j'avais faim. Et en fait, oui, j'avais drôlement faim. Papa était venu m'apporter quelques rations de ce qu'on lui avait donné à la cantine mais c'était sa portion qu'il devait partagé avec moi. Alors je n'en avais eu qu'une seule partie et lui aussi. Mon dernier vrai repas avait été le soir avant notre départ de l'Arche. J'hochai timidement la tête pour répondre à Monsieur Kane, puis, je repensais que j'étais encore avec Maman à cet instant-là, lors de mon dernier repas dans l'Espace. Mon coeur se serra en repensant à elle. C'était aussi de leur faute, à Monsieur Kane et Docteur Abby si elle n'avait pas pu être là. C'était de leur faute si on était séparés et que j'étais triste maintenant. C'étaient qui qui avaient choisi qui serait envoyé sur l'Exodus et qui avaient déchiré des familles... Je me surpris à me demander comment ils pouvaient vivre avec ça. A faire tant de mal aux gens, comment pouvaient-ils le supporter ? La mort n'était pas la finalité de tout les crimes... Pourtant c'était ce qu'ils pensaient. Mais il y avait tant d'autres manières, tant d'autres manières qui ne brisaient pas les coeurs des Archéens.
L'homme s'était relevé, tandis que la doctoresse me disait que je n'avais rien à craindre d'eux, ni pour moi, ni pour mes parents. Je n'avais pas envie de répondre aux questions de Monsieur Kane, peut-être plus tard, mais je devais avouer que docteur Abby me faisait beaucoup penser à Maman. Elle prenait un ton réconfortant, m'invitant à me confier, me disant que la seule chose qu'ils voulaient était de regarder si j'allais bien.
Mais même si ses paroles avaient beau être aussi douces que ma peluche, que je gardais toujours contre moi, cachée par mes genoux repliés contre moi, il manquait quelque chose dans sa phrase. Si elle acceptait, alors là je serais d'accord de sortir de ce placard. Sinon, ils devraient attendre encore un petit moment, et trouver une autre solution. Je montrai à la femme mon petit bras encore tremblant, lui tendant le petit doigt de ma main.
-Promis ?
C'était enfantin de faire une promesse, mais l'ajout du petit doigt faisait toute la différence. C'était important pour moi et je saurai que mes parents seraient en sécurité. J'essuyai du revers de mon autre main le reste de larmes sur mes joues, regardant toujours docteur Abby avec un regard un peu timide et hésitant. J'espérais tant qu'elle allait accepter.

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Monsieur Kane sembla finir par comprendre qu'il n'était pas le meilleur placé pour me poser les questions. De tous les dirigeants de l'Arche, il était celui dont mes parents parlaient toujours le plus, même s'ils utilisaient un langage codé que je ne comprenais pas. Mais ces mots, même inconnus, étaient suffisamment lourds de sens pour que je sache à quel point il pouvait se montrer sévère et dure... Il se baissa vers Docteur Abby et lui dit quelque chose que je ne saisis pas avant de nous tourner le dos et de quitter la pièce. Mon regard ne le quitta qu'une fois qu'il fut hors de ma vue. Cet homme me terrifiait. Il utilisait des mots doux pour me parler, il m'adressait des petits sourires rassurants, mais tout ce que j'avais entendu de lui, que ce soit de mes parents ou juste de mes camarades de classe qui avaient eu affaire à cet homme, je ne pouvais pas passer outre.
Puis, pour mon plus grand soulagement, docteur Abby saisit mon petit doigt du sien et prononça les mots fatidiques en écho au mien, "Promis".
Elle venait donc de me jurer que je n'aurais rien à craindre, et mes parents non plus. Un lourd fardeau s'échappa de mon petit coeur alors je crus presque m'envoler. Désormais, je voulais sortir de ce placard, je voulais étendre mes petites jambes et m'élancer à l'extérieur, découvrir le monde. Mais visiblement, la dame n'était pas d'accord sur ce point-là. Elle voulait que j'en explique quelques uns, notamment mon prénom. C'était important, elle disait. Elle me dit qu'elle surveillera Kane pour qu'il ne nous fasse pas de mal et qu'à leur place, elle aurait fait pareil. Envoyer sa fille sur Terre avec elle était un devoir, elle n'aurait pas pu songer laisser la sienne dans l'espace.
Un peu a contrecoeur - car je savais que la session de questions était loin d'être terminée - j'attrapai la main que me tendait docteur Abby pour m'aider à sortir du placard. Quelque chose en moi me disait que passer une promesse avec un adulte était quelque chose de dangereux. Qu'ils n'étaient pas dignes des promesses lourdes de sens telles que celle-ci. J'espérais ne pas avoir fait une erreur en tendant mon petit doigt à Abby. J'espérais pouvoir lui faire confiance. Mais son visage rassurant, illuminé par un doux sourire, je ne pouvais pas m'empêcher de voir Maman à sa place. Je ne cessais de m'imaginer à quel point elle devait être inquiète pour Papa et moi, sur Terre, ses deux trésors qu'elle avait dû se résoudre à abandonner. Encore quelques peu intimidée, je n'osais pas tellement regarder Madame Griffin dans les yeux. Malgré la promesse, j'avais encore peur de ce qui pouvait arriver. Alors de mes deux bras, je serrai mon ours contre moi, espérant qu'il me donne du courage. Sa douceur et son odeur eurent l'effet escompté: il avait encore sur lui un toute petite odeur de Maman.
-Je ... Je m'appelle Lluvia... Mon papa est ici avec moi. Mais Maman a dû rester dans l'Espace...
En me redressant, j'étendis mon estomac et je me rendis compte en réalité à quel point j'avais faim. Un petit gargouillement m'échappa, je ne savais pas si docteur Abby l'avait entendu. Je me réjouissais que Monsieur Kane me ramène quelque chose à manger, mais pas tant de le retrouver maintenant que j'avais prononcé mon prénom à Abby. Lui, il n'avait pas fait la promesse du petit doigt. Mais Abby promettait de le surveiller. Mais les enfants arrivent toujours à faire des choses dans le dos de leurs parents, alors pourquoi Monsieur Kane n'arriverait pas à faire des bêtises dans le dos de docteur Abby ? Soudainement, je n'étais plus aussi sûre et têtue telle que j'avais su me montrer dans le placard...
-Dites moi docteur Abby, vous ne sauriez pas quand est-ce que ma maman va nous rejoindre ?
J'avais levé mes timides yeux verts vers elle, espérant, priant, pour qu'elle ait une réponse. Pas que ce soit comme Emily, évasé, on ne savait pas vraiment quand, mais ils viendraient. Moi je voulais savoir combien de temps je devais attendre avant de revoir Maman. Ainsi, je me fixerais un objectif et ça m'aiderait à aller de l'avant, même sans elle.

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Après coup, je n'étais plus si certaine que ce soit une bonne idée d'avoir tout révélé ainsi à docteur Abby. J'avais envie de croire à sa promesse, qu'elle ne ferait rien ni à Maman ni à Papa. Mais c'était dur parfois, de tenir des promesses... Avec Alice, on s'était juré de ne jamais se quitter, et un beau jour, elle avait disparu... On ne sait jamais ce que la vie peut nous réserver comme imprévu et parfois, nous n'avions pas d'autre choix que de briser ces promesses. Enfant, je ne comprenais pas comment on pouvait faire de telles choses. Mais en grandissant, que ce soit sur Terre ou dans l'Espace, j'allais finir par comprendre qu'on ne pouvait pas toujours honorer nos paroles.
Abby me complimenta sur mon prénom, alors je lui esquissai un timide petit sourire. C'est vrai qu'il était joli mon prénom. Et en plus, personne n'avait le même ! Il était unique, et j'étais heureuse que mes parents aient pensé à ça. Par contre, tout comme Emily, elle n'avait aucune idée de quand est-ce que je reverrai Maman... Personne ne savait quand elle descendrait sur Terre avec les autres. Pourquoi ? Pourquoi ils ne savaient pas ? Pourquoi n'avaient-ils pas envoyé tout le monde en même temps ? Je n'arrivais pas à comprendre, les liens ne se faisaient pas dans mon petit cerveau qui était focalisé de l'ennui dû à l'absence de ma mère. Je voulais la revoir, retrouver sa douceur, son sourire, je voulais pouvoir faire mes premiers pas sur la Terre avec elle. Mais ça n'allait pas être possible... Elle n'allait pas venir avant longtemps, même si docteur Abby était en train de me dire le contraire. Mais pour moi, rien qu'une semaine, c'était longtemps. Alors deux, trois semaines, puis un mois, ça deviendrait rapidement insoutenable...

J'entendis des pas dans le couloir, les mêmes que lorsque j'avais dû me cacher dans le placard. Bientôt, Monsieur Kane réapparut avec dans sa main une sphère rouge et jaune qui tenait dans le creux de sa main. Fixant le drôle d'objet, je compris qu'il me ramenait à manger, bien que je n'avais jamais vu ce genre de chose auparavant. Il s'approcha de nous, s'accroupissant, le silence régnant à nouveau entre nous. Il me tendit la boule de couleur, m'incitant à la manger et m'assurant que ça devrait me plaire. Mon regard alla de la sphère à Kane, puis de Kane à la sphère. Intriguée, je finis par la saisir. Mes parents ne faisaient pas parti de la dite élite, ils n'avaient pas les moyen de payer de la réelle nourriture pour trois. On devait se contenter de complément alimentaire qui n'avaient aucun goût.
-Merci Monsieur Kane, déclarai-je simplement par pure et simple politesse
Je fixai alors la boule. Sa couleur principale était le rouge, mais il y avait quelques nuances de jaune. C'était joli, je n'avais presque pas envie de la manger. Je la pressais entre mes doigts. C'était tout dur. Comment ça se mangeait d'ailleurs ? Fronçant les sourcils, je me dis que vu à quel point c'était dur, il fallait peut-être la peler, enlever un emballage ou quelque chose comme ça. Je commençai à gratter de mes petits ongles et je me rendis compte que ce n'était pas si dur que ça. Sous sa peau rouge, la chair prenait une teinte plutôt blanche orangée. Un petit liquide transparent commença à couler le long de mes doigts, je le léchai avidement. C'était bon, c'était sucré ! Et j'avais les doigts tout collant maintenant ! Désireuse d'en apprendre plus sur cet étrange aliment, je croquai dedans à pleines dents, en arrachant un morceau. La chair libéra sur mes papilles un agréable jus sucré au goût si particulier. Je n'avais jamais mangé quelque chose d'aussi bon ! Je croquai alors plusieurs autres morceaux, ne prenant même plus la peine de savourer, tant j'avais faim. L'aliment devenait de plus en plus petit et tout à coup, à force d'y creuser, j'aperçus des petits caillou noir, tout fin. Enfin, ça avait l'air de caillou, je ne savais pas vraiment comment d'écrire ça autrement. Et comme les cailloux ça se mange pas, je commençai à les enlever un à un à l'aie de mes petits doigts, les lançant au sol. Le centre de la boule avait une autre consistance, mais je ne réfléchis pas plus et terminai jusqu'à ce qu'il ne reste plus que les petits cailloux noirs sur le sol.
Je me sentais beaucoup mieux ! Revigorée, en pleine forme et le ventre un peu rempli. Il en redemandait encore... J'aurais pu manger de ces choses toute la journée, c'était certain ! Je sentais que mes doigts étaient tout collant, pareil pour le tour de ma bouche, et mes dents étaient toutes lisses, c'était agréable de passer ma langue dessus. Pendant que j'avais mangé mon truc, je n'avais presque pas remarqué que Monsieur Kane et docteur Abby discutaient entre eux. Je me demandais ce qu'ils allaient faire maintenant...

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J'entendais Monsieur Kane et Docteur Abby discuter pendant que je mangeais ma succulente nourriture. Son délicieux goût emplissait encore toute ma bouche et ravissait chacune de mes papilles, tandis que mon estomac, lui, en redemandait. Si cette petite sphère rouge venait de la Terre, alors je me réjouissais encore plus d'un manger des dizaines et des dizaines, sans compter toutes les autres choses délicieuses que cette planète devait avoir à nous offrir. Dans l'Espace, je n'avais goûté qu'à des pilules, sans goût, qui ne valaient rien, en tout cas pas cette petite boule que je venais d'avaler en quelques minutes.
Lorsque j'eus terminé, je posai mon regard sur les deux adultes qui discutaient probablement de moi. Sans que je m'en rende compte, j'étais sûrement un gros problème à l'heure actuelle. Des autres parents, ayant laissé leur enfant dans l'espace, pourraient s'énerver, contre Papa ou contre moi. Car moi je n'avais aucune idée de ce que cette Terre pouvait offrir comme malheur. Je n'y voyais que le paradis, la perfection, la simplicité. Hors, je n'allais pas tarder à comprendre qu'elle pouvait également être tout le contraire.

Monsieur Kane baissa son regard vers moi, s'aperçut que j'avais terminé de manger. Alors, il s'accroupit à nouveau, m'observant silencieusement, songeant à qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir faire de moi, et de Papa. Sous son regard lourd de sens, je laissai échapper un frisson et ne pus soutenir mes yeux bien longtemps dans sa direction. J'avais peur. Son cadeau succulent ne m'avait pas réellement fait changer d'avis à son sujet. Après avoir voulu mon nom, il me demanda celui de Papa. Je ne le regardai toujours pas, mélangeant et remélangeant mes doigts, trop intimidée et trop apeurée pour répondre. Je préférais fixer les petits cailloux noirs et tout fins que j'avais enlevé de ma nourriture de toute à l'heure. J'avais envie de les ramasser pour les regarder encore de plus près, puisque c'était tout ce qui me restait de la boule rouge. Mais Docteur Abby imita son ami en se mettant à ma hauteur. Je soulevai suffisamment mon regard pour m'apercevoir qu'elle arborait un joli sourire. Les mots qu'elle me prononça eurent probablement l'effet escompté: pouvoir voir la Terre. Un nouveau frisson ébranla mon petit corps meurtri par les larmes et je les regardai tour à tour, ma peluche toujours serrée contre moi, espérant qu'elle me donne du courage. Car j'avais vraiment peur de leur révéler son prénom. C'était pour moi le pire des supplices. En réalité, même l'envie de voir la Terre pour de vrai ne pouvait pas concurrencer avec la peur qu'ils fassent du mal à mon Papa. Mais docteur Abby m'avait fait la promesse du petit doigt. Alors après quelques longues secondes de silence qui me parurent interminables, je finis par prendre ce qui me sembla être la meilleure des décisions. Car je ne voulais pas vivre cachée dans ma trappe plus longtemps.
-Il s'appelle... Pourtant, j'hésitais encore. Hugo... Rosewood... Prononcer ces mots me fut l'effet d'une trahison. Mon coeur se serra. Je quittai leurs regards encore une fois, préférant fixer mon doudou blotti contre moi. Lui au moins, il ne ferait jamais de mal à personne...

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J'espérais vraiment, du plus profond de moi-même, de ne pas avoir fait de bêtise. J'avais fini par céder et avouer le nom de Papa... Ils m'avaient promis qu'il ne risquait rien, mais comment aurais-je pu en être certaine ? Néanmoins, au plus profond de moi-même, je sentais que j'avais fait ce qui était bon et que je pouvais leur faire confiance. Mais un petit doute persistait en moi.
Un fois le prénom prononcé, Marcus s'éloigna de nous et parla dans son appareil. Je n'entendis pas ce qu'il disait mais ça me fit un peu peur. Etait-il en train de gronder Papa ? De lui faire du mal pour m'avoir emmené ici ? Je ne savais pas, je l'ignorais et je n'aimais pas ça. Pourtant, Monsieur Kane souriait. Mon esprit d'enfant me fit alors comprendre que tout allait bien et que je n'avais rien à craindre que ce soit de pour Papa ou moi-même. Je me sentis soulagée. Monsieur Kane discuta avec Docteur Abby quelques instants, alors que je les regardais, l'air béat. Je me demandais ce qu'il allait se passer maintenant. Docteur Abby semblait être d'accord avec Monsieur Kane. Alors elle revint vers moi, se mettant à ma hauteur. Elle me confia que Papa allait venir afin que je puisse découvrir la Terre avec lui.
-C'est vrai ?! m'exclamai-je
Aussitôt je me dressai sur mes pieds. Mon pantalon de pyjama les frôla et je serrais toujours ma peluche contre moi. Enfin ! Enfin j'allais pouvoir voir dehors, la Terre ! Je trépignais d'impatience à cette idée, je ne tenais plus en place. J'avais envie de courir à travers les couloirs, m'élancer, me sentir libre et sortir. Enfin, lorsque j'entendis des pas dans le couloir, j'aurais pu le reconnaître entre mille. Papa arrivait. Et sans que Kane ou Abby puissent me retenir, je sortis de la salle, fonçant vers Papa.

- FIN -

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