In youth you'd lay awake at night and scheme Of all the things that you would change, But it was just a dream…
Les paroles de Karliah le firent sourire … tout ce qui avait dépassé la vingtaine était vieux pour eux et cette idée, qu'elle avait précipitamment tenté de cacher, ne manqua pas de faire naître sur le visage de Kane un sourire d'amusement. Un jour, ils finiraient comme eux, et rira bien qui rira le dernier. Quod Sumus Hoc Eritis ; vois ce que nous sommes, un jour, tu seras pareil …
« — Sur l'Arche, nous avions tous un rôle à tenir » lui répondit Marcus « Sur Terre, nos mains sont déliées. Sur Terre, nous avons le choix » C'était une chose qu'elle ne pouvait pas vraiment comprendre aujourd'hui, mais qu'elle finirait par comprendre un jour. Parfois, il fallait faire avec les choix qu'on avait, et non avec ceux qu'on aimerait avoir. En revanche, Kane était persuadé qu'elle comprendrait parfaitement ce qu'il s'apprêtait à ajouter « Les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être »
Cette idée, n'importe quel adolescent était capable de la comprendre … n'étaient-ils pas eux-mêmes victimes de ces idées reçues qui leur collait à la peau ? Karliah avait tué un soldat et vivait dans les bois avec un loup, était-elle cependant ce que les apparences laissaient croire ? Bien sûr que non … et c'était pareil pour lui. Rien n'était plus trompeuses que les évidences.
Un autre sourire se dessina sur le visage de Kane lorsque la jeune fille lui affirma qu'il était le plus dangereux des trois. Il avait, certes, une arme à feu, mais l'un des trois avait davantage l'habitude de tuer que les autres et ce n'était pas lui … il ne chercha cependant pas à contrarier Alvarez. Au lieu de cela, son regard se posa sur la louve. Lorsque la truffe de la louve effleura ses doigts, Kane sentit son humidité et le souffle de la bête. Les loups avaient terrifié tant de leurs ancêtres dans le passé … une vieille légende française lui revint soudainement en tête, celle de la Bête du Gévaudan et du carnage qu'elle avait fait. Mythe ou réalité, personne n'avait jamais su, mais en posant ses yeux sur Midnight, Kane comprenait enfin d'où venait cette peur viscérale du loup. Finalement, sa main s'aventure sur la tête de la bête, et plus que jamais Marcus se sentit en danger : si Midnight l'avait voulu, elle aurait pu lui sectionner le bras d'un seul coup de croc … mais au lieu de cela, l'animal resta paisible, laissant Kane découvrir à sa guise l'étrange sensation de son contact. C'était la toute première fois qu'il touchait la fourrure d'un animal et Kane comprenait enfin pourquoi certains de leurs ancêtres, bien avant l'apocalypse, les chassaient pour cela. Marcus ne put empêcher un sourire de se dessiner furtivement sur son visage, comme un éclair dans le ciel. Ses doigts s'enfoncèrent dans le pelage de Midnight, glissant jusqu'à son encolure puis son épaule. Il sentait la louve respirer et son corps se soulever à chaque halètement.
« — Ce … c'est toujours doux comme ça ? » demanda Kane « Il faut qu'Abby touche ça » laissa-t-il échapper. Alvarez avait eu raison de le pousser à le faire et il s'emballait désormais un peu à l'idée de partager cette sensation. Bien vite, Kane redevint Kane « Enfin, je veux dire, c'est pas mal effectivement » se reprit-il, tentant bien en vain de nuancer ses propos. Il se racla la gorge, mais il savait bien que Karliah l'avait entendu la première fois.
Sans brusquerie, Marcus se redressa. Il restait persuadé que laisser la louve à l'extérieur du campement était le bon choix – car une partie de la population avait toujours peur d'elle – mais désormais, Kane comprenait l'affection que Karliah pouvait avoir à son égard.
We cannot tell what may happen to us in the strange medley of life. But we can decide what happens in us - how we can take it, what we do with it - and that is what really counts in the end
Marcus ne s’était pas rassis et n’avait pas l’intention de le faire. Il n’y avait plus que Jaha et lui dans la salle et les dernières convenances jusqu’à présent conservées avaient sauté depuis qu’Abigail avait quitté la pièce. Maintenant qu’ils n’y avaient plus aucun témoin potentiel, Kane et Jaha redevenaient des hommes, avec leurs qualités mais surtout leurs défauts.
« — Je ne sais pas ce que tu t’imagines, Jaha, mais je t’assure qu’il n’y a rien de plus que ce que je t’ai déjà dit » déclara Marcus. Kane ne mentait pas … il ne mentait pas, parce qu’il n’avait tout simplement pas encore conscience de toute l’étendue de sa propre culpabilité. Kane pensait avoir fait son deuil et avoir tourné la page, mais la réalité était bien différente. La rédemption était une voie longue et périlleuse … Marcus se méprenait en s’imaginant qu’il était au bout du chemin. Il pensait n’avoir plus besoin que du pardon des gens, alors qu’en réalité, il ne se pardonnait déjà pas lui-même.
Le rêve de Thelonious sonna comme une utopie aux oreilles de Marcus. Abby et Kane, leaders de cette nouvelle vie sur Terre ? Ils n’arrivaient déjà pas à se poser tous les deux, comment pouvaient-ils créer des bases solides et stables alors qu’ils ne l’étaient déjà pas eux-mêmes ? Ils étaient comme le jour et la nuit, comme le feu et la glace : opposés, bien que complémentaires. Sur Terre, ils auraient besoin de stabilité … pas d’un duo de leaders se disputant tous les quatre matins. Pour remplir la mission décrite par Thelonious, en revanche, Kane savait que d’autres que lui conviendraient parfaitement … et même mieux que lui, mais il se garda d’en faire part de nouveau.
« — D’autres sauront reprendre le flambeau que nous leur lèguerons » affirma Kane « En bas, les gens auront besoin de quelqu’un en qui ils peuvent avoir confiance. Sans être pessimiste, je ne suis pas certain d’être celui qui corresponde le plus à cela »
Un homme se devait de connaître ses limites et Kane les connaissaient, du moins le croyait-il. Marcus avait toujours été de ceux qui prétendaient qu’il fallait donner aux gens ce dont ils avaient besoin, et non ce qu’ils voulaient … mais parfois, en de rares occasion, ces deux instances se rejoignaient et ne formaient plus qu’un : parfois, les gens souhaitaient exactement ce dont ils avaient besoin. Pour ce rôle – et Marcus le savait – il n’était pas le mieux placé … car les gens ne l’aimaient pas. C’était un choix qu’il avait fait et Marcus ne comptait pas revenir encore une fois sur ses motivations, mais il en avait conscience et restait pragmatique.
« — Je sais qu’Abby s’en sortira sans moi, sans nous. Elle l’a toujours fait, pourquoi les choses changeraient-elles aujourd’hui ? » déclara le Conseiller « Les gens auront besoin d’espoir en bas, pas d’un bourreau. Quant à ce qui est des soldats, je ne suis pas le seul à savoir tirer »
Marcus était têtu et borné, mais c’était parce qu’il était persuadé de la justesse de son raisonnement. Thelonious et Abby ne voyaient peut-être pas les choses de la même manière, et même si les faits avaient plus d’une fois démontré à Kane que son jugement n’était pas toujours bon, le Conseiller avait encore du chemin à faire concernant ses capacités à se remettre en question. Quittant sa position, Kane s’approcha du Chancelier.
« — Je n’abandonnerai pas le dernier ami qu’il me reste » déclara-t-il en déposa sa main sur son épaule « Tu as toujours été là pour moi, c’est à mon tour de te rendre la pareille » Kane ne se sentait pas redevable, mais c’était pour lui le juste retour des choses. Marcus était loyal et dévoué, et il ne comptait pas abandonner le Chancelier aux heures les plus sombres « L’avenir ne nous appartiendra bientôt plus. Nous ferons front ensembles, jusqu’à la toute fin » affirma Kane, presque solennel « On se souviendra de nous comme ceux ayant permis à la race humaine de retourner sur Terre »
C’était du moins ce que Jaha laisserait derrière-lui. Kane n’était pas persuadé de laisser la même trace, mais cela lui importait peu. Marcus vivait pour le présent et l’avenir, non pas pour marquer l’histoire ; une histoire qu’il avait commencée et qu’il comptait bien achever.
Spoiler:
Heureusement qu’on a le plan de secours d’Abby
De toute façon tu n’as pas de regret à avoir, si Jaha avait réussi à le convaincre, il aurait dit oui pour lui faire plaisir, sans le penser un seul instant, quand bien même ses arguments auraient eu raisons des siens #mauvaisefoi
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Jeu 20 Juil - 12:50
