The Way of Truce ft. Lexa

Marcus Kane était venu pour parler de paix, mais au lieu de cela il avait été jeté en prison comme un vulgaire malfrat. Dire qu'il s'était attendu à autre chose aurait été mentir, mais il avait au moins espéré pouvoir parler au Commandant, ou du moins l'apercevoir. Au lieu de cela, on l'avait laissé croupir dans ce qui ressemblait à une ancienne station de métro – Kane l'avait du moins deviné – lui laissant ainsi tout l'occasion de ressasser ses erreurs comme on mâche un morceau de viande trop dur. Non content de s'être lui-même jeter dans la gueule du loup, il s'était mis en péril pour rien, car ceux pour qui il était venu n'étaient pas là. Des 100 capturés, il n'y avait aucune trace, si ce n'était quelques survivants qui lui avaient raconté bien des choses … et qui lui avait, justement, dit que les autres n'étaient pas là mais ailleurs, beaucoup plus ailleurs qu'ils le pensaient. Ceux qui étaient parvenus à passer entre les mailles du filet lui avait raconté l'attaque des Hommes des Montagnes, la capture des 100 et la fuite des Natifs face à la technologie des Maunon. Kane avait compris qu'ils n'étaient pas seuls sur Terre et que le peuple de l'Arche, les 100 et les Natifs n'étaient pas les seuls joueurs de cette partie qui s'annonçait plus compliquée qu'il ne le pensait.

La grille de leur prison s’ouvrit brusquement et les quelques détenus qui s’y trouvaient sursautèrent, ou peu s’en fallait. D’un bond, tout le monde se leva et les prisonniers du Peuple du Ciel s’échangèrent des regards … bientôt, les Natifs apparus prononcèrent des mots qu’ils ne comprirent pas et deux d’entre eux s’approchèrent de Kane. Sans ménagement, ils se saisirent de lui et le trainèrent jusqu’à la sortie … instinctivement, Marcus jeta un regard en direction d’Emily Shepard. Il ne lui avait jamais caché que leur expédition était loin d’être sans risque et en cet instant précis, ce fait lui paraissait plus vrai que jamais. Kane n’avait absolument aucune idée de l’endroit où on l’emmenait ni ce qui allait advenir de ceux qui resterait dans la station de métro : il n’avait pas peur pour lui, seulement pour les autres.

Dire que Marcus se sentait observé était un bien faible mot : il percevait les yeux de chacun des Natifs présents dans la pièce le fixer comme un chien affamé fixe un bout de viande et il sentait des dizaines d'yeux le juger et le dévisager. L'esprit de Kane avait encore du mal à recoller les morceaux … comment un peuple aussi barbare, aussi primitif, pouvait obéir à un leader si jeune, qui plus est une femme ? Kane n'était pas sexiste, mais il s'était fait une image bien différente du chef barbare. Peut-être les Natifs n'étaient-ils pas ce qu'ils s'imaginaient … peut-être qu'ils avaient un espoir après tout ? Ou peut-être pas du tout ; pour l'heure Marcus n'en savait rien. Pour l'heure, tout ce qu'il voyait était une enfant peinturlurée assise sur son trône de bois, une armée de sauvage à ses pieds. Pour en arriver à là, elle devait être d'une grande valeur … ou complètement naïve. Kane n'allait pas tarder à être fixé et il le savait.

Autour de lui on s'offusquait, on grondait, on soupirait … et surtout, on parlait une langue qu'il ne comprenait pas. A bien écouter, il reconnaissait – bien que transformé – quelques mots qui ressemblaient vaguement à de l'anglais, mais rien qui lui permettait de comprendre quoi que ce soit. Une des guerrières de la Commandante lui adressa la parole, et si Marcus ne comprit pas ce qu'elle disait, il perçut dans sa voix sa désapprobation, à laquelle se mêlait une haine presque viscérale. Encore une fois, Marcus retrouvait ce sentiment qui lui paraissait démesuré … et puis, il comprit enfin. Les paroles de la Commandante résonnèrent dans son esprit comme un coup de fouet. Marcus fronça les sourcils.

Marcus n'avait pas besoin de comprendre la langue des Natifs pour savoir que la décision de la Commandante ne faisait pas l'unanimité au sein de l'assemblée … en vérité, personne ne semblait de son avis et s'en suivis une remise en ordre qui laissa Marcus dubitatif : il n'arrivait toujours pas à comprendre comment une femme aussi jeune était parvenue à se faire respecter par ces individus qui ressemblaient en tout point à des sauvages. La Commandante gronda et un silence presque pesant s'abattit dans la pièce qui, cette fois, mit tout le monde d'accord.

L’ancien Conseiller devait se rendre à l’évidence : il devait faire un choix et renoncer à certaines choses pour pouvoir en obtenir d’autres. C’était comme ça que fonctionnait les compris et Marcus Kane avait appris cette leçon bien longtemps auparavant. Les conditions de la Commandante étaient justes et Marcus le savait : exiger une vie en échange de dix-huit était honnête et ce qu’il y avait de plus miséricordieux. Punir le coupable et lui seul était la définition même de la justice et sur ce point Kane n’aurait pu espérer mieux … parce qu’il n’y avait pas de meilleure option, en réalité. Si Finn Collins avait bel et bien tué dix-huit Natifs, son geste ne pouvait rester impunis. Ils étaient peut-être en guerre, mais la guerre ne justifiait pas les boucheries. Sans l’histoire dans son intégralité, Kane ne pouvait émettre de jugement … il n’y avait pas de fumé sans feu et Collins n’avait certainement pas tué tous ces gens pour rien. Que c’était-il passé ? Qu’est-ce qui avait bien pu le pousser à agir de la sorte ? C’était tout autant de réponses que les Natifs ne pouvaient pas lui donner et qui, pourtant, lui était indispensable pour accepter la sentence. Depuis longtemps, Marcus avait pris l’habitude de se faire son propre avis sur les choses et aujourd’hui ne faisait pas exception à la règle.

Cependant, il fallait bien avancer et il savait que le cas de Finn était trop complexe pour adoucir la Commandante aussi facilement. Peut-être avec le temps parviendrait-il à lui faire changer d'avis … là, assise sur son trône de bois, elle avait un rôle à tenir. Elle ne pouvait pas de décevoir son peuple et Kane le comprenait ; Marcus avait ses défauts mais il n'était pas stupide et, mieux que ça, il connaissait les rouages de la politique. Il ne pouvait pas en demander trop, ne le devait pas.

« — Très bien » déclara-t-il finalement, non sans une pointe de déception « Si ce que vous dites est vrai et que Finn Collins a bel et bien massacré les vôtre, justice sera rendue » affirma-t-il « Si ce que vous dites est vrai, nous vous livrerons le garçon » Du temps séparerait immanquablement ses paroles à l'action, un temps qu'il allait devoir user le plus intelligemment possible « Mais je vous en prie, laissez les autres partir. Ils n'ont rien fait, si ce n'est tenter de survivre … certains plus adroitement que d'autres » Pour l'heure, Finn était toujours hors de portée des Natifs, du moins Kane l'avait-il compris. Ils auraient tout l'occasion de renégocier son destin le moment venu … la priorité restait sur ceux qui se trouvaient actuellement en prison, enfermés depuis des jours et des jours. Marcus n'était pas certain de pouvoir faire quelque chose pour Finn, mais pour eux en revanche, il savait qu'une autre issue était possible, du moins voulait-il le croire.

« — Mon peuple n'acceptera jamais de faire la paix avec vous si vous ne lui montrez pas que vous êtes magnanime » expliqua Marcus après un instant de silence. Il ne reniait pas toute la clémence dont faisait preuve la Commandante à leur égard, mais beaucoup au campement ne verraient pas cela de cet œil-là. Pour beaucoup, cela ne suffirait pas « Ces enfants ne sont rien pour vous, mais ils sont tout ce qu'il reste à certains d'entre nous » affirma-t-il « Mon peuple ne croit pas qu'une paix est possible entre nous, prouvez-leur le contraire. Je vous demande, je vous implore de faire le premier pas » Kane était déjà à terre et il se demanda un instant s'il aurait été capable de ployer les genoux pour rendre ses paroles un peu plus véritables. Garder Kane en échange des jeunes ne lui coutait rien, mais cela pouvait tout changer pour eux « Les miens ne me suivront pas sans cela, et s'ils ne me suivent pas … » commença Marcus. Il hésita presque à achever sa phrase « … s'ils ne me suivent pas, il n'y aura pas de vainqueurs. Seulement des survivants » Ce n'était pas une menace, seulement une promesse.

Marcus ne se serait jamais cru capable de se battre avec autant de convictions pour une chose aussi frivole que la paix. La paix n'était qu'un concept qui s'opposait à la guerre, comme le jour et la nuit, comme le chaud et le froid, comme le plein et le vide. L'un n'existait pas sans l'autre, et surtout, la dominance de l'un sur l'autre n'était jamais permanent. Kane savait que la paix pour laquelle il se battait ne serait pas perpétuelle, et pourtant il ne cessait d'y croire : il avait fini par comprendre qu'un instant de quiétude valait bien toute une vie de tracas. La vie sur l'Arche lui avait enseigné cela.

« — J'ai apporté avec moi une spécialiste en linguistique, la meilleure de notre peuple » expliqua-t-il. Il ne connaissait pas beaucoup Emily en réalité, mais il ne doutait pas qu'elle lui donnerait raison « Elle est venue de son plein grés pour en apprendre plus sur vous, sur votre histoire, sur votre langue » raconta Marcus « Permettez-lui de faire ce pour quoi elle est venue » demanda-t-il « Peut-être que si nous nous connaissions mieux, nous nous rendrions compte que nous ne sommes pas si différents »

Ils étaient tous terriens après tout, cela ne devait-il pas suffire à les rassembler ?

Durant tout le temps qui suivit son discours, l'attention de Kane fut tendue à son paroxysme. Il lui semblait que l'avenir de leurs peuples se jouait en cet instant précis … son désir de persuader quelqu'un n'avait jamais été aussi grand et Kane priait en son for intérieur pour lui faire entendre raison. Il lui demandait beaucoup et il le savait, mais la guerre et plus encore la paix impliquait des sacrifices parfois importants. Lorsque, enfin, la Commandante lui donna sa réponse, Marcus ne put retenir un soupir de soulagement. Ses épaules jusqu'à présent tendues s'abaissèrent et il se sentit de nouveau respirer. Cette toute petite victoire pouvait jouer un rôle fondamental dans cette transaction et Kane le savait. Les mains toujours liées dans le dos, les genoux toujours ployés, Kane salua la Commandante d'un signe de tête.