Attaque Purée! Feat Rakal et Lexa

L’automne venait de laisser place à l’hiver, les journées se faisaient plus courtes et la température ne cessait de baisser. Ce n’est pas pour autant que les entrainements étaient moins durs, moins fatigants. Ils gardaient le même rythme et, en ce soir de novembre, dans la salle à manger servant aussi d’hall d’entrée, personne ne semblait trouver l’énergie de tenir une conversation. Le craquement des buches, cédant sous l’assaut des flammes, dans l’âtre brisait le silence. Les flammes dansantes permettaient à la salle de ne pas être plongé dans l’obscurité. Elles révélaient aussi sous un autre jour les armes accrochées au mur et les tapisseries murales représentant des scènes de chasse.
Le raclement des couverts sur les assiettes résonnait, l’odeur de poulet de purée flottait dans l’air. Le diner était entamé depuis peu et allait bon train. Combattre dans la neige donnait une faim de loup. Anya retint un bâillement et sentit l’envie de piquer un somme se faire plus présente. Elle était presque autant fatiguée que Rakal et Lexa, n’ayant que peu dormi la nuit précédente. Ca ne faisait qu’un an depuis la destruction du village de Lexa, et la fillette criait encore dans son sommeil. Le mentor essayait de la rassurer autant que possible, mais les cauchemars ne s’arrêtaient pas. Et la nuit finissait inévitablement en faisant les cent pas dans la maison ou dans la forêt, à la recherche d’une solution durable.
Soudainement Rakal envoya de la purée sur Lexa, assise en face de lui. Anya, assise à côté de sa seconde, soupira discrètement. Même pas capable de manger correctement. Ou bien il l’avait fait exprès, c’était possible également. Le mentor ne dit rien, intriguée par la suite des événements. Soit ils se taquineraient gentiment et elle laisserait couler, soit ça dérapait en véritable dispute et là elle interviendrait. Et déjà qu’elle n’était pas tendre de bonne humeur alors fatiguée….

Apparemment Rakal était plus doué avec une cuillère qu’avec un arc. Anya sourit intérieurement en entendant la petite pique. La compétition entre ces deux seconds ne prenait jamais fin. Ils voulaient tous les deux prouver leur valeur et, surtout, Rakal n’accepterait jamais de se faire dépasser par une plus jeune. Il ne voyait pas la présence de Lexa d’un mauvais œil loin de là, il l’appréciait bien même mais il avait sa fierté. Lexa sortit de la torpeur où elle était plongée depuis le début du dîner. Elle répliqua à l’attaque purienne en criant. Ça faisait du bien de la voir réagir comme ça, comme l’enfant qu’elle était. Anya voulait que ses seconds deviennent des guerriers forts capables de laisser leurs émotions de côté. Mais elle ne pouvait ignorer leur jeune âge. Lexa était encore une gosse et cette réaction digne d’un enfant était mignonne à regarder. Anya regarda son assiette puis Rakal. Elle avait presque fini de manger mais il restait un peu de purée dans le fond, juste assez pour un projectile. Ce serait totalement puérile elle en avait conscience. Mais après une journée entière d’entrainement intense, elle se sentait fatiguée et avait envie de se détendre un peu. Evidemment si ca dérapait trop et que ca tournait en insultes entre Rakal et Lexa, elle taperait du poing sur la table. Anya attrapa sa cuillère et balança la purée qui restait sur Rakal. Le projectile atterrit pile au milieu du front. Elle se permit un léger sourire.

« Tu ferais mieux de travailler ton esquive toi aussi. »

L’étonnement se lisait sur le visage de Rakal. Il ne devait pas s’attendre à ce que son mentor se prenne ainsi au jeu. Anya avait adopté, depuis l’apprentissage de Rakal, un masque froid et dur. Les deux jeunes seconds devaient apprendre à mettre leur émotions de côté, cela n’arriverait pas avec un mentor blagueur et prenant tout à la légère. Rakal et Lexa se laissaient également moins aller, connaissant les conséquences s’ils se permettaient de relâcher leurs efforts. L’exclamation de Rakal faillit faire sourire Anya. Elle retint une remarque sur le fait que, plus tard il pourrait faire à trois ou quatre adversaires en même temps. Ils n’attendraient pas gentiment qu’il les démonte un par un. Il n’y avait pas de pitié dans une bataille, pas de justice ou de règles à part celle du plus fort et du plus habile.
Rakal essaya de se venger en balançant une grosse poignée de purée en direction de son mentor. Il s’était laissé gagner par la rage, ce qu’il ne fallait jamais faire, et rata complètement son lancer. En vérité cette soirée pourrait servir d’exemple à une prochaine leçon. La purée s’écrasa misérablement contre une armoire plus loin.

« Pas que l’esquive à travailler apparemment. »

Anya aimait bien provoquer un peu ses élèves, voir s’ils arrivaient à passer outre, s’ils pouvaient se contrôler. Lexa, profitant de ne pas s’être encore fait réprimander, passa au niveau supérieur et lança son assiette en plein dans la tête de Rakal. Il s’était pris beaucoup de choses dans la figure contrairement à Lexa. Ne voulant pas que sa jeune seconde prenne trop facilement la confiance, Anya se leva et attrapa le pichet plein d’eau qui trainait, plus loin, sur la table. Elle n’avait malheureusement plus de purée, alors elle se rabattit sur ce projectile plus liquide. Profitant que Lexa croit son mentor de son côté, Anya lança l’eau froide dans sa direction, l’aspergeant copieusement, une expression mi-amusée, mi-moqueuse sur le visage.

« Il n’y a pas de raisons que ce soit Rakal qui prenne tout. »

Rakal réussit miraculeusement à éviter le projectile de Lexa. Une esquive digne des plus grands. L’assiette ne se brisa pas au sol, au moins cela leur éviterait de devoir en retroquer une autre. Lexa semblait déçue. C’est vrai que son tir était presque parfait. Il aurait atteint la perfection s’il avait atteint sa cible. Les épaules de la jeune seconde s’affaissèrent. Jamais bon signe. Elle ne devait pas abandonner. Un guerrier n’abandonnait jamais un combat. Oui ce n’était qu’une bataille de purée entre des gamins et leur mentor, et alors ? Cela restait un combat et il faut toujours les terminer. Alors Anya balança le contenu d’une carafe sur Lexa. Non seulement pour lui remettre les pieds sur la terre ferme, elle aussi elle pouvait se prendre des trucs dans la figure, mais aussi pour lui remonter le moral. Elle n’était pas du genre à laisser une attaque impunie, à s’écraser. Elle riposterait et le mentor était curieux de voir comment. Plus de purée, plus de poulet, plus d’eau. Les possibilités s’étaient considérablement réduites.

Lexa se tourna vers Anya, dégoulinante d’eau et la bouche entre-ouverte par la surprise. Sa tête était juste magique et le mentor ne put s’empêcher de laisser échapper un petit rire discret. Face à son exclamation elle se contenta d’un sourire malicieux, et reposa la carafe sur la table. Au même moment Lexa la percuta et commença une tentative de chatouilles. Sérieusement ? Anya mit quelques secondes à comprendre ce qu’il se passait. Elle aurait pu profiter de cet énième dérapage pour mettre le holà. Mais Lexa avait peu d’occasions de s’amuser. Tourmentée par les cauchemars la nuit, accaparée par l’entrainement le jour. Quant à Rakal, s’il n’avait pas perdu ses parents, l’entrainement lui prenait également toutes ses journées. Une soirée de détente ne pouvait que leur faire du bien.

Anya chopa les poignets de Lexa en adoptant un faux air menaçant.

« Alors comme ça on ose chatouiller son mentor ? »

Le mentor fit tomber sa seconde au sol le plus doucement possible, ce serait bête qu’elle se fasse mal, et l’assaillit de chatouilles.

Ah comme les choses pouvaient déraper facilement… Comment un moment heureux et simple pouvait virer au drame… Comment le pire débarquait au moment le plus inopportun… Ces chocs métalliques étaient reconnaissables entre milles. Ses bruits de course, ses crépitements. Des sons entendus tellement de fois. Toujours de très mauvais augure. Anya stoppa tout gestes, concentrée sur les bruits, essayant de deviner ce qu’il se passait exactement à l’extérieur. Ou bien, quelque part à l’intérieur, elle se demandait pourquoi ils ne pouvaient pas avoir une soirée tranquille, un moment de paix, juste un, c’était vraiment trop demander ? Elle regarda Rakal, la réponse à la question du jeune second sur le bout des lèvres. Mais le dire c’était le concrétiser. Lexa se glissa telle une anguille, et s’appuya à la table plus loin, complètement terrorisée. Evidemment cela devait lui rappeler le massacre de son village. Anya se releva et récupéra rapidement son épée posée plus loin avant de jeter un coup d’œil dehors par la fenêtre. Cela ne semblait pas être une attaque organisée, seulement l’offensive de quelques tarés. Rien d’ingérable à première vue.

"Rakal… Le village est attaqué, récupère ton épée. Ensuite va dehors, ne cherche pas le combat, vérifie et assure-toi juste que les femmes et les enfants sont en sécurité."

Rien de bien compliqué, ce devait être dans les cordes d’un adolescent, Rakal pourrait mener sa mission sans beaucoup de mal. Anya dégaina son épée, laissant le fourreau plus loin, et posa une main rassurante sur l’épaule de Lexa. Un petit animal apeuré. Pourtant elle n’avait rien à craindre. Ses défunts parents ne savaient pas combattre, ce n’était pas le cas de son frère d’armes et de son mentor, ni de la plupart des habitants du village. Mais le traumatisme reprenait le dessus, écartant la logique.

"Strik kika… Va dans ta chambre et reste y jusqu’à ce que Rakal ou moi vienne te chercher. Mais tout va bien se passer d’accord ? Ce ne sont que cinq ou six Azgeda, on en fera qu’une bouchée."

Anya lui serra doucement l’épaule avant de sortir dehors. Deux guerriers ennemis gisaient déjà au sol, abreuvant de leur sang le sol, un soldat Trikru semblait en piteux état et se faisait trainer plus loin par ses camarades. Une mère serrait son bébé contre elle et courrait se mettre à l’abri. Un garçon secouait le corps sans vie de son père. Deux maisons brûlaient et menaçaient de propager le feu aux autres habitations. Anya chopa un Trikru au vol et lui ordonna d’aller vérifier à la porte qu’aucun autre ennemi n’arrivait. Elle engagea ensuite le combat contre un des derniers attaquants, plus grand et plus lourd, mais qui ne devrait pas être trop dur à abattre. Elle espèrait que Rakal ait suivi ses ordres. Elle ignorait où se trouvait le dernier agresseur.